Après les gens eux-mêmes, la circulation de l’air est un autre mode principal de transmission des maladies. La ventilation et la climatisation jouent un rôle important pour contrôler la propagation des infections dans un hôpital, non seulement en purgeant des espaces de leurs agents pathogènes aériens, mais aussi en créant des pressions négatives ou positives qui empêchent l’air de s’échapper d’un espace ou d’y entrer. Dans les salles d’isolement qui sont conçues pour accueillir les patients infectés, la pression est négative, de sorte que rien ne peut s’échapper. Au contraire, dans les salles d’opération et les espaces de protection prévus pour les personnes immunodéficientes la pression est positive de manière à ne rien laisser pénétrer.
Les études se poursuivent sur les modes de transmission du virus SARS-CoV-2 qui cause la COVID-19. D’après les dernières consignes de l’Organisation mondiale de la Santé publiées en juillet 2020*, le virus se transmet entre humains par les sécrétions infectées, comme la salive ou les gouttelettes projetées par une personne qui tousse, éternue, parle ou chante. Ces sécrétions peuvent être ingérées par quelqu’un qui se trouve à proximité (à moins de 1 m) ou elles peuvent se retrouver sur les surfaces environnantes où le virus peut survivre de quelques heures à plusieurs jours. La transmission du SARS-CoV-2 par voie aérienne peut aussi se produire pendant les procédures médicales qui génèrent des aérosols : de fines particules qui peuvent rester en suspension dans l’air sur de longues distances et pendant longtemps. Les scientifiques continuent de débattre sur le sujet et de chercher à déterminer si la transmission par voie aérienne peut se produire en l’absence de ces procédures, en particulier dans les milieux intérieurs mal ventilés.
Le coronavirus qui a causé l’épidémie de SRAS en avril 2002 se propageait par voie respiratoire uniquement, et cela a entrainé des changements dans la conception des hôpitaux en Asie. La COVID-19 devrait avoir les mêmes effets sur le reste du monde. « À Singapour, la conception des hôpitaux a grandement évolué depuis l’épidémie de SRAS, explique Lionel Neo, spécialiste principal en ingénierie d’établissements de santé chez WSP. Au lendemain de l’épidémie, les hôpitaux gouvernementaux de Singapour ont adopté une série de mesures pour améliorer la qualité de l’air, y compris en mettant en place des systèmes de purge, en augmentant le taux de changement d’air, en filtrant davantage l’air, en utilisant des lumières ultraviolettes et des revêtements en titane sur les serpentins de refroidissement des systèmes de traitement de l’air pour tuer les bactéries et les virus, affirme-t-il. Quand la COVID-19 est apparue, les systèmes étaient déjà en place, et on considérait que la plupart des hôpitaux étaient bien équipés pour la contrer. »
Ces mesures ne sont pas en place en tout temps. Compte tenu du climat tropical et humide de Singapour, le coût et l’énergie qui seraient nécessaires pour rafraichir en permanence l’air d’un hôpital au complet seraient énormes. Les systèmes sont plutôt munis de deux modes de ventilation pour qu’en cas de pandémie ou d’événement de pollution extrême, comme en 2019 en raison des feux de forêt en Indonésie, on puisse moduler le mode de ventilation selon qu’on veuille évacuer l’air, l’isoler, le traiter mécaniquement ou le faire refroidir par zone.
Pour cela, le traitement de l’air est compartimenté par zones dans les nouveaux hôpitaux. « On planifie étage par étage pour commencer, puis zone par zone, et service par service, précise Lionel Neo. Un système de traitement de l’air n’est pas partagé par plus d’un service pour que les activités liées au traitement puissent être contenues dans ce service. » Les systèmes de ventilation sont conçus pour refléter le flux de travail de chaque service, par exemple dans une unité de services stérile où l’on retourne et nettoie de l’équipement contaminé, l’air passe d’un état stérile, propre, puis souillé avant d’être évacué.
Les hôpitaux de Singapour sont déjà dotés de préfiltres avec une cote MERV d’au moins 7 et d’un filtre secondaire avec une cote MERV d’au moins 14, mais il y a aussi des espaces vides de sorte que les filtres HEPA (qui ont un indice MERV de 17 ou plus élevé) peuvent être ajoutés en cas de pandémie ou d’événement lié à la pollution de l’air, et les ventilateurs sont conçus pour gérer la résistance supplémentaire que cela engendre. « Dans le cas d’un projet hospitalier au complet, les coûts sont marginaux; ils ne représentent qu’une fraction des coûts totaux, dit Lionel Neo. Le fait d’augmenter la hauteur de plafond de chaque étage a un plus d’effet : dans les conceptions plus récentes, la norme de 4,3 m a été élevée à 5 m ou idéalement à 6 m. Compte tenu du renouvellement, de la purge et de la dilution de l’air supplémentaires qui sont nécessaires, on a inévitablement besoin d’une plus grande hauteur de plafond pour avoir de l’espace, en particulier à la lumière de ce que la COVID nous a appris. Il faut aussi prévoir d’installer des systèmes de ventilation mécaniques additionnels, puis de bien les positionner. Quand on doit équiper des bâtiments existants qui ont une hauteur de plafond plus bas, cela peut être tout un défi. »