Les questions à se poser sont les suivantes : que faut-il faire maintenant, et quelles sont les mesures à court et à long terme qui doivent être prises pour atténuer les risques et sécuriser votre chaîne d’approvisionnement? Quelle sera l’incidence des changements climatiques sur les responsabilités sur le plan environnemental, social et de la gouvernance de votre port ou projet portuaire?
Quel sera l’impact des changements climatiques sur les ports et les terminaux, ainsi que sur la chaîne d’approvisionnement mondiale?
Les projets de ports et de terminaux sont particuliers en ce qui a trait à l’emplacement, aux arrangements à conclure, au type, à la taille de l’installation, à la capacité prévue et à la tolérance au risque. Ils peuvent être affectés par une combinaison unique de processus et de mécanismes liés aux changements climatiques. En voici des exemples :
- un port en Alaska est susceptible d’être touché par l’augmentation rapide des températures, ce qui entraîne une réduction de la couche de glace et la dégradation du pergélisol. La réduction de la couche de glace prolongera la saison des eaux libres, ce qui réduira la viabilité des routes de glace hivernales et exposera les infrastructures à d’autres régimes de vagues, tout en permettant l’importation et l’exportation au moyen de divers navires sur de longues périodes;
- un terminal d’exportation de minerai de fer en Australie pourrait devoir faire l’objet d’un programme de réparations long et coûteux pour remettre en état la base du brise-lames et la couche d’armature endommagées. Il pourrait même falloir arrêter les activités du port afin de remplacer l’infrastructure installée sur le dessus du brise-lames, affectée par le franchissement excessif des vagues;
- une installation de transbordement en Afrique de l’Ouest peut subir des interruptions et de longs retards dans son service de barges en raison de hautes vagues plus fréquentes sur la route de navigation;
- une centrale électrique dans les Caraïbes pourrait être confrontée à des problèmes de refroidissement attribuables à l’élévation de la température de la mer. Par ailleurs, le dégel du pergélisol dans les régions arctiques peut entraîner l’accélération de l’érosion du littoral, compromettant les routes d’accès, les pipelines et les connexions ferroviaires vers un port voisin, en plus de causer des problèmes d’instabilité du sol pour tous les types d’infrastructures;
- une installation d’exportation de pétrole auparavant bien protégée dans le golfe du Mexique pourrait être affectée par des vents d’ouragan excessifs ou le claquage de vagues déclenchées par l’élévation du niveau de la mer à son quai;
- la rentabilité d’un terminal d’importation de gaz naturel liquéfié dans le Pacifique Sud pourrait être affectée par des manœuvres excessivement difficiles liées aux conditions météorologiques et par la réduction du temps d’immobilisation aux postes d’amarrage;
- une gare maritime dans l’Ouest canadien pourrait devoir cesser ses activités en raison d’inondations et d’infrastructures endommagées causées à la fois par l’élévation du niveau de la mer et des conditions de mer défavorables.
Toute interruption prolongée de l’exploitation d’un port ou d’un terminal causée par des retards dans le transport des marchandises, des périodes d’immobilisation aux postes d’amarrage, la sédimentation, des travaux de remblayage (ce qui nécessite des travaux de dragage d’entretien) ou encore la suspension ou le ralentissement des activités afin de procéder à un remplacement ou à la réparation de dommages peut affecter ce point nodal important de la chaîne d’approvisionnement et empêcher le client d’importer ou d’exporter des produits ou de fournir des services.
Les changements climatiques peuvent avoir une incidence sur l’état des ports et des terminaux existants, et ce qui a fonctionné dans le passé pourrait ne plus l’être. De nombreux ports et terminaux existants, qui ont été conçus en fonction des normes et des lignes directrices d’il y a plus de 20 ans, devront être modernisés pour s’adapter aux exigences de conception prévues.
Notre approche vous montre comment la prise en compte des changements climatiques peut accroître la résilience de vos installations.
Comment les ports et les terminaux peuvent-ils être résilients face aux changements climatiques?
Le renforcement ou le maintien de la résistance et de la résilience face aux perturbations liées aux changements climatiques exigent une approche holistique devant être appliquée par un groupe interdisciplinaire de professionnels. À cette fin, il faut notamment des compétences techniques et en ingénierie, des mécanismes réglementaires et l’engagement des parties intéressées, des capacités d’analyse de l’impact environnemental et socioéconomique, de l’innovation et, surtout, la passion de réduire de manière proactive les effets des changements climatiques.
L’analyse et l’élaboration de solutions afin d’atténuer les changements climatiques touchant les côtes et leurs effets nécessitent l’examen de la vulnérabilité aux changements climatiques et des risques connexes, ainsi que la simulation de différents scénarios pour évaluer la probabilité et les conséquences possibles d’un événement climatique extrême futur et pour déterminer le degré de risque associé. Grâce à cette information, l’équipe peut ensuite mettre au point des approches durables, constructibles, échelonnables, résistantes et résilientes pour relever les défis que posent les changements climatiques.
Dans le cadre des projets de port et de terminal, nous recommandons de suivre les étapes suivantes afin que les projets soient adaptés aux changements climatiques.
1. Évaluation et collecte de données
Cette étape consiste à évaluer l’exploitation nouvelle ou existante de ports ou de terminaux, la gestion des biens, la collecte des données et les inspections sur le terrain (au besoin) et à déterminer les besoins du projet ou de l’exploitation et les priorités des parties intéressées (comme les propriétaires, les exploitants, les sociétés de transport maritime, les institutions financières et les organismes de réglementation).
2. Évaluation des risques
Une fois les caractéristiques particulières du projet comprises, une évaluation des risques est souvent effectuée pour cerner les mécanismes propres au projet. Les changements climatiques peuvent déclencher ces mécanismes, dont les probabilités et les conséquences sont variables, comme l’élévation du niveau de la mer, des conditions opérationnelles et des conditions météorologiques extrêmes prévues, la force des vagues, le franchissement des vagues et les inondations.
Les évaluations des risques peuvent être qualitatives ou quantitatives suivant l’étape de projet (sélection, planification, aménagement, construction, exploitation et désaffectation), la durée de vie du projet, les renseignements disponibles et le niveau de risque déterminé. À titre d’exemple, un projet à court terme comportant de faibles risques peut seulement nécessiter une évaluation qualitative des risques puisque les changements causés par le climat au cours de la durée de vie du projet sont beaucoup moins importants que ceux qui surviennent sur une base saisonnière. De même, il serait probablement utile qu’un projet à long terme comportant des risques modérés ou élevés fasse l’objet d’une évaluation qualitative des risques afin que soient mieux compris les risques climatiques cernés pour le projet et la façon dont ils pourraient changer au cours de la durée de vie du projet. La modélisation déterministe et probabiliste est utilisée pour représenter les risques dans les conditions climatiques actuelles et futures dans le cadre d’une évaluation quantitative des risques.
L’évaluation des risques a souvent la plus grande incidence sur la réussite d’un projet lorsqu’elle est réalisée au cours des phases de sélection et de planification. Elle permet une approche proactive en matière de résilience climatique.
3. Élaboration de critères (mis à jour) de conception
Il est important de cerner la vulnérabilité d’un projet d’exploitation de port ou de terminal ou d’évaluer la faisabilité d’un nouveau projet en ce qui concerne les changements climatiques et d’envisager des modifications potentielles à apporter ultérieurement dans les paramètres de conception. Pour définir ces dernier, en particulier les caractéristiques du vent et des vagues, il faut élaborer un modèle des vagues à l’échelle régional à l’aide de l’information sur les vents projetés pour différents scénarios (optimiste, réaliste et pessimiste).
Au lieu de se fier sur des simulations rétrospectives des vagues et de présumer que la configuration des vents et le régime des vagues observés et calculés au cours des 20 dernières années s’appliqueront aux 20 prochaines années, ces scénarios mis à jour permettront d’estimer de nouveau les paramètres opérationnels et extrêmes de vent et de vagues dans des endroits choisis lors de la phase de conception du projet.
4. Élaboration de mesures d’atténuation
Cette étape de notre approche est la conception et la mise sur pied de mesures d’atténuation potentielle en faisant appel aux capacités de gestion des biens, aux résultats de la modélisation financière ainsi qu’aux connaissances et à l’expérience en matière de construction. Cela comprend la circonscription de différentes voies d’adaptation, des études de rentabilité, la définition de seuils pour différents niveaux d’atténuation relativement à ces voies et, au bout du compte, la prestation d’une aide technique aux clients dans la sélection de l’approche qui cadre le mieux avec les objectifs de conception. Les voies d’adaptation possibles à envisager consistent notamment à rendre la conception résistante aux changements climatiques, à mettre en œuvre des éléments de la conception pour qu’elle soit résiliente face aux changements climatiques ou à créer des plans visant à reconfigurer ou à déplacer les éléments à risque du projet.
5. Suivi et mise à jour de la marche à suivre
Étant donné les incertitudes associées aux projections climatiques, un programme doit être mis sur pied afin d’assurer le suivi de la réussite de l’approche choisie eu égard aux indicateurs de performance clés du projet et, au besoin, de mettre à jour la marche à suivre en conséquence.
En suivant ce processus recommandé, les exploitants de port et de terminal de même que les propriétaires de biens peuvent avoir la confiance nécessaire afin de poursuivre leurs activités malgré les changements climatiques. Développer de la résilience face aux risques physiques potentiels non seulement rend plus sûr la chaîne d’approvisionnement, mais améliore aussi les responsabilités générales de votre port ou de votre projet portuaire sur le plan environnemental, social et de la gouvernance.
À propos des auteurs
Keyvan Mahlujy, M.Sc., P.Eng., est ingénieur sénior des travaux maritimes chez Golder, membre de WSP. Il compte plus de 25 ans d’expérience des aspects maritimes de la conception de ports et de terminaux, et ce, à toutes les étapes du cycle de vie d’un projet. Keyvan possède une expertise dans l’évaluation et la conception de structures maritimes, de même que dans la modélisation numérique des travaux maritimes, y compris des études en météo-océanographie, l’analyse d’amarrage dynamique et l’évaluation des temps d’immobilisation aux postes d’amarrage. Il a été ingénieur concepteur, responsable des travaux maritimes, gestionnaire de l’ingénierie et chargé de projet pour l’aménagement de structures maritimes et d’installations portuaires partout dans le monde.
Janya Kelly, Ph.D., est spécialiste des changements climatiques et de la qualité de l’air chez Golder, membre de WSP, et compte plus de 10 ans d’expérience de travail dans le domaine de l’adaptation et de l’atténuation en matière de changements climatiques. Elle a effectué des évaluations des risques climatiques pour comprendre les vulnérabilités des organisations et des sites face aux changements climatiques, ainsi que pour élaborer et analyser des études de cas liés à la vulnérabilité face aux changements climatiques. Mme Kelly a créé des ensembles de données détaillés sur les changements climatiques en vue de leur intégration dans la conception et la modélisation des évaluations des risques environnementaux et climatiques. Elle est l’experte de la communauté technique en matière de développement durable et de changements climatiques.