Les véhicules aériens sans pilote (UAV), communément appelés drones, ont beaucoup évolué au cours des dernières années. Il y a cinq ou dix ans, un drone à charge utile de six kilogrammes aurait coûté approximativement 50 000 $. Grâce à la récente amélioration des batteries au lithium-ion, maintenant beaucoup plus compactes et puissantes qu’auparavant, des drones semblables se vendent sur le marché à environ un dixième de ce prix.
Ces drones abordables aux capacités supplémentaires créent de nouveaux débouchés pour les entreprises, comme la possibilité d’échantillonner l’eau dans les lacs de kettle et autres zones dangereuses.
Les risques mortels des lacs de kettle
Lors de la fermeture temporaire ou permanente d’un lac de kettle dans une mine à ciel ouvert, on arrête parfois les pompes bloquant l’entrée d’eau souterraine. Par conséquent, la fosse se remplit pour former un lac, qui pourrait devenir une zone dangereuse.
L’infiltration d’eau dans les fractures de la paroi de la fosse peut causer un effondrement, puis d’importants glissements de terrain pouvant générer des vagues immenses. En plus de faire chavirer les bateaux et de détruire la machinerie lourde, ces vagues menacent gravement la vie humaine. De plus, contrairement aux lacs et aux océans, les fosses minières ne présentent aucune zone peu profonde près de la côte pour atténuer l’impact de ces grandes vagues. Celles-ci peuvent donc rouler violemment d’une côte à l’autre pendant des heures.
Par le passé, des défaillances de lacs de kettle ont entraîné des glissements de terrain mortels et des noyades; l’eau toxique a aussi causé des problèmes pour la santé humaine.
Exigences réglementaires pour l’échantillonnage de l’eau
Les organismes de réglementation exigent souvent que l’eau accumulée dans les fosses minières fermées soit échantillonnée et analysée régulièrement (une fois par an ou trimestre). Les échantillons servent à vérifier si l’eau contient une série d’éléments du tableau périodique, dont la teneur varie selon les caractéristiques environnementales et géologiques du milieu. Les tests permettent de détecter des substances chimiques courantes, notamment les suivantes :
L’analyse de la teneur en substances chimiques sert à confirmer que l’eau ne pose aucun risque pour l’environnement immédiat et avoisinant.
Un processus désuet
Pendant des années, les responsables de mines étaient contraints à envoyer des travailleurs en bateau pour prélever des échantillons à différentes profondeurs du lac. Voilà qui est très risqué.
En plus d’exposer les travailleurs aux glissements de terrain, cette pratique coûteuse nécessite un grand travail de planification, des formations en santé et sécurité, et des techniciens qualifiés. Bien que les méthodes d’échantillonnage varient d’une société minière à l’autre, elles ont ces exigences en commun :
- Louer et préparer un bateau pour se rendre sur le lac.
- Prévoir de l’équipement en double en cas de défaillance du moteur (par exemple, plus d’un bateau).
- Acheter de l’équipement d’échantillonnage spécialisé (au minimum, un appareil d’échantillonnage d’eau de lac et une sonde multiparamètre).
- Veiller au bon fonctionnement des communications d’urgence à l’intérieur de la fosse.
- Acheter de l’équipement de protection individuelle spécialisé (vêtement de flottaison individuel, combinaison de survie).
- Procéder à une évaluation des risques et préparer un plan d’intervention en cas d’urgence.
- Offrir deux à trois jours de formation en santé et sécurité à tout le personnel concerné.
- Embaucher des pilotes de bateau titulaires d’un permis.
- Faire suivre à l’équipage une formation exhaustive sur la navigation et l’ingénierie navale.
- Dépenser une somme considérable en assurances.
Une solution de rechange sûre et efficace : les drones
La bonne nouvelle? Il n’est plus nécessaire de risquer des vies humaines pour échantillonner l’eau de lac, car cette tâche peut être confiée à un drone. En plus de protéger le personnel des risques sur le lac, cette solution permet de grandes économies sur les plans des ressources, de la logistique et des coûts. Seules deux personnes sont requises : une pour piloter le drone et une autre pour guetter les risques, comme les oiseaux ou aéronefs qui approchent.
De toute évidence, cette solution est bien plus avantageuse.
WSP, une société qui prône l’innovation en sécurité des mines et en protection de l’environnement, a accordé des fonds à une équipe de projet interne pour la mettre en pratique. Cette équipe a pu utiliser un drone abordable à capacité de charge record pour transporter l’équipement d’échantillonnage de l’eau. Une fois muni de cet équipement, le drone a volé au-dessus du lac pour recueillir de l’eau à la surface, à une couche de transition et en profondeur afin de tenir compte des variations thermiques et chimiques par strate.
Cette méthode novatrice a permis de recueillir 1,75 litre d’eau à une profondeur de 92 mètres pour un client, ce qui est particulièrement impressionnant. Un autre client avait subi un glissement de terrain provenant de la paroi de la fosse, ce qui posait un risque important pour les échantillonneurs. Il était donc dans l’incapacité d’échantillonner l’eau conformément aux règlements de son permis pendant deux ans de plus. Nous avons résolu son problème grâce à la technologie d’échantillonnage par drone, et il en a été fort satisfait.
Cette technologie permet aux clients de recueillir plus fréquemment des données pour évaluer la qualité de l’eau.
Perspectives d’avenir
Certaines limites d’ordre réglementaire ou juridique s’appliquent actuellement aux solutions décrites plus haut, car la réglementation peine à suivre le rythme du progrès technologique.
On prévoit que dans les prochaines années, les autorités de réglementation sur les drones rattraperont le retard, ce qui ouvrira la porte à de nouvelles possibilités. Par exemple, un règlement actuel stipule que le drone doit se trouver dans la ligne de vision de son opérateur. Il est fort probable que dans l’avenir, le pilotage de drones à distance sera autorisé pour prélever des échantillons derrière des arbres. Par ailleurs, le plafond de vol de 122 mètres (400 pieds) imposé aux États-Unis et au Canada peut limiter la profondeur de collecte des échantillons. Des exceptions à la règle pourraient être bientôt permises, ce qui rendra possible un échantillonnage plus en profondeur.
À mesure que la situation évolue, les drones seront utilisés pour accomplir diverses tâches sur des sites miniers en un seul jour; il suffira de changer la charge utile. Cette innovation pourrait sauver des vies et générer des économies de milliers de dollars.
À propos de l’auteur
Devin Castendyk est titulaire d’un doctorat en science de l’environnement de l’Université d’Auckland en Nouvelle-Zélande. Basé à Denver, au Colorado, il cumule 22 ans d’expérience en recherche sur la géochimie, l’hydrogéologie et la limnologie physique des lacs de kettle. Il a mené des recherches sur environ 40 lacs de kettle sur 4 continents et copublié en 2008 un livre intitulé Mine Pit Lakes: Characteristics, Predictive Modeling, and Sustainability (Lacs de kettle : caractéristiques, modélisation prédictive et durabilité).
* Ce travail a été effectué par les professionnels de Golder qui se sont joints à WSP dans le cadre d’une acquisition réalisée en 2021.