Dans certaines villes, on ne peut pas se permettre de laisser la situation telle qu’elle est. Delhi a fait de grands efforts pour améliorer sa qualité de l’air, mais elle a toujours du mal à se débarrasser de son titre de « capitale la plus polluée du monde ». Dans les années 1990, les tuk-tuks (des pousse-pousses motorisés) ont dû passer d’un moteur diesel à un moteur au gaz naturel comprimé. Tout comme les bus. Un nouveau métro a récemment vu le jour, avec 200 km de voies ferrées, 60 stations et d’autres infrastructures à venir. Delhi a même interdit la vente de feux d’artifice, mais en vain. « J’ai grandi à Delhi, et la pollution y est encore pire maintenant qu’il y a 20 ans, explique Snigdha Jain qui travaille dans l’équipe chargée de l’analytique des villes durables de WSP Londres. On a cru que le métro allait vraiment aider. Pourtant, même si les trains sont pleins, cela n’a presque fait aucune différence. »
Les efforts de Delhi pour réduire la circulation routière ont porté leurs fruits, dans une certaine mesure, puisque les émissions qu’elle génère ont diminué par rapport au pic atteint dans les années 1990. La ville est en partie victime de son succès. « En raison de la croissance économique, la pollution continue d’empirer. De plus, la municipalité ne contrôle pas certaines sources de pollution, comme le brûlage des chaumes qui a lieu au nord, dans la région du Punjab. La fumée se retrouve happée par le smog très dense de la ville en hiver. »
Delhi doit envier les accomplissements d’autres villes. En Espagne, Vitoria-Gasteiz a réussi à réduire la pollution de l’air de 67 % en misant sur la réglementation de la construction, la régulation de la circulation routière et le verdissement urbain. Montréal a elle aussi réussi à réduire ses émissions de 54 %.
« Les gens qui peuvent quitter Delhi le font, souvent pour s’installer dans les nouveaux quartiers commerciaux polyvalents qui ne cessent de fleurir en banlieue, ce qui permet de réduire les déplacements vers le centre, explique Snigdha Jain, mais cela se fait de manière organique, pas dans le cadre d’une stratégie gouvernementale. »
L’expérience de Delhi montre que les villes sont des milieux dynamiques qui évoluent rapidement, que les maires et les urbanistes essaient de contrôler, autant que possible, sans jamais y parvenir totalement. C’est le cas des métropoles du monde, mais aussi des villes dans les pays en voie de développement. Le comté de Riverside, par exemple, profite de tous les avantages de la réglementation écologique efficace mise en place par l’État de la Californie. Et pourtant, il ne parvient généralement pas à répondre aux normes de qualité de l’air du pays, en partie en raison des courants d’air qui voyagent à partir des ports dynamiques de Los Angeles et de Long Beach vers les terres.
« Il y aura toujours des villes où la situation sera plus difficile en raison de leurs infrastructures industrielles ou de leurs conditions atmosphériques particulières, explique Alice Lovegrove, directrice nationale du service chargé de la qualité de l’air chez WSP États‑Unis. Dans ces villes, il est encore plus important de bien comprendre d’où vient la pollution. On a besoin d’analyses et de modélisations perfectionnées pour bien saisir en quoi la pollution affecte les habitants. »
Comme Lisa Ramsay, Alice Lovegrove explique qu’il est important de mettre en place des stratégies personnalisées et éclairées : « Il n’y a pas une solution universelle pour tout régler. Si vous avez trop d’ozone dans l’air, vous devriez chercher à réduire les oxydes d’azote, car ils encouragent sa formation. Si ce sont les particules polluantes qui vous posent problème, alors vous pourriez mettre l’accent sur les chantiers de construction, la poussière qu’ils produisent et les moteurs diesel qui y sont utilisés. »
Les villes qui se battent pour endiguer leurs problèmes de pollution ne doivent pas se décourager. Même si le métro de Delhi n’a pas résolu les problèmes de pollution de la ville, la situation serait sans doute pire aujourd’hui s’il n’existait pas. Et comme Alice Lovegrove le fait remarquer, on peut toujours faire plus. « Une fois qu’on a cueilli les fruits les plus accessibles d’un arbre, il faut continuer à chercher. Lorsqu’on dispose de données précises, on peut toujours déterminer ce qu’il nous reste à faire pour mettre en œuvre l’intervention qui va vraiment nous aider à repousser les limites de notre stratégie en matière de qualité de l’air. »