La biodiversité est étroitement liée aux moyens de subsistance, à la qualité de vie, à la continuité culturelle et à la survie. Les initiatives qui favorisent la biodiversité peuvent donc grandement améliorer le bien-être des gens. Pourtant, elles peuvent aussi avoir des effets néfastes sur les populations et exacerber les inégalités.
Les projets de conservation, en particulier pour les zones protégées, ont causé des dépossessions et des exclusions, ce qui a contribué, dans de trop nombreux cas, à la marginalisation de groupes vulnérables et au déplacement des peuples autochtones. En plus des problèmes liés à la justice environnementale et à la justice sociale, les incidences sociales néfastes de ces projets peuvent nuire à la réussite des initiatives de biodiversité.
Le Canada vise actuellement à protéger 25 % de ses territoires terrestre et marin d’ici 2025, et 30 % de chacun de ces territoires d’ici 2030. À la fin de l’année 2021, le pays avait protégé 13,5 % de son territoire terrestre et 13,9 % de son territoire marin. Afin d’atteindre ces objectifs, il devra rapidement mettre en œuvre de nouvelles initiatives à grande échelle.
Le Canada accueille de plus en plus d’immigrants de cultures diverses ayant des valeurs différentes. Il compte aussi plus de 1,8 million d’Autochtones, qui constituent 5 % de sa population, dont plus de 600 Premières Nations, Métis et Inuits qui, malheureusement, continuent à être disproportionnellement représentés dans les classes socioéconomiques modestes. Pour que le Canada atteigne ses objectifs de conservation de manière équitable sur les plans environnemental et social, il est impératif que nous évaluions entièrement et gérions de manière constructive les éventuelles incidences sociales des initiatives de biodiversité.
Reconnaissance mondiale du besoin d’inclusion sociale
Les résultats sociaux extrêmes des initiatives de biodiversité continuent malheureusement à poser problème dans de nombreux pays en développement. De plus, les conflits liés à l’utilisation concurrente des ressources deviennent de plus en plus préoccupants dans le monde, comme avec l’intensification de l’accaparement des terres et des mers.
La Convention sur la diversité biologique reconnaît depuis longtemps la biodiversité comme une question à laquelle il faut intégrer des considérations sociales. Elle joue un rôle moteur dans la promotion des droits des Autochtones avec l’inclusion de l’article 8 (j), qui stipule que chaque partie contractante « sous réserve des dispositions de sa législation nationale, respecte, préserve et maintient les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique (…). »
L’utilisation accrue de cadres de travail qui adoptent un point de vue socioécologique des initiatives de biodiversité et qui tiennent compte des liens entre les systèmes sociaux et écologiques est une grande avancée. Cela inclut les cadres de travail axés sur les services d’écosystème, la résilience socioécologique et la capacité d’adaptation. Toutefois, ces cadres de travail sont insuffisants pour régler à eux seuls les incidences sociales et culturelles potentiellement néfastes des initiatives de biodiversité. En effet, on leur reproche de ne pas assez tenir compte des questions liées à l’énergie, aux valeurs opposées, à la diversité sociale et au facteur humain. De plus, l’amélioration de la résilience et l’adaptation à l’échelle du système ne se traduisent pas automatiquement en avantages pour les locaux.
En mettant l’accent sur le bien-être des gens, on peut combler ces écarts, mais les analyses doivent être rigoureusement basées sur la théorie et la réalité. Ce type de cadre de travail doit être exhaustif et permettre d’intégrer différents points de vue sur le monde et valeurs. Le cadre de travail axé sur le bien-être social a beaucoup attiré l’attention récemment. En effet, il s’agit d’un cadre de travail supplémentaire qui fait le lien entre des préoccupations importantes, comme les résultats en matière de fonctions d’écosystème et de moyens de subsistance, généralement au cœur des analyses de la biodiversité, et des préoccupations sociales et culturelles.
Le cadre de travail axé sur le bien-être social est simple, mais à la fois complet et inclusif. Il comprend trois dimensions : matérielle (besoins de base, comme la nourriture et l’hébergement, la santé physique, et les services d’écosystème comme l’air pur et l’eau), relationnelle (les interactions sociales, les réseaux de soutien et les obligations, les actions collectives et les relations associées aux identités sociales, politiques et culturelles des gens), et subjective (valeurs culturelles, normes, confiance, assurance et systèmes de croyances). De plus, contrairement à de nombreux autres cadres de travail sur le bien-être, le cadre de travail sur le bien-être social n’est pas normatif. Il permet aux gens de définir les dimensions eux-mêmes, ce qui évite d’exclure des aspects importants en raison de préjugés sociaux ou culturels. Par exemple, dans de nombreuses cultures autochtones, la dimension relationnelle peut aussi inclure des relations avec des êtres non humains.
L’approche du bien-être social peut révéler divers facteurs motivants pour le comportement des gens ainsi que des facteurs sociaux importants souvent sous-estimés dans les initiatives de biodiversité, comme le facteur humain, la capacité, l’identité, les aspirations, les normes, les valeurs et les préférences personnelles. Plus important encore, elle permet de tenir compte de problèmes qui ne concordent pas nécessairement avec la conservation de la biodiversité et la résilience socioécologique.
Le fait de combiner le cadre de travail axé sur le bien-être social à d’autres cadres de travail, comme les services d’écosystème, la résilience socioécologique et la capacité d’adaptation dans les initiatives de biodiversité, permet de rendre les compromis sociaux et écologiques plus transparents, ce qui évite les incidences sociales néfastes imprévues. Par conséquent, cela permet de garantir que les initiatives de biodiversité sont efficaces, équitables sur les plans l’environnemental et social et qu’elles peuvent conférer des avantages à tous.