Comme les particules de SARS-CoV-2 ont tendance à tomber plutôt que d’être transportées dans l’air comme un aérosol, accroître la proportion d’air extérieur ou laisser fonctionner les systèmes 24 heures sur 24 pour purger les locaux n’aurait probablement pas d’incidence directe sur la propagation de cette maladie précise. Cela pourrait toutefois réduire la concentration d’autres contaminants, améliorer la qualité de l’air plus généralement et certainement produire un milieu plus plaisant, ce qui contribuerait à rassurer les travailleurs qui retournent au bureau.
Cette approche a cependant aussi un coût énergétique, puisque le refroidissement ou le chauffage de l’air jusqu’à la bonne température prend plus d’énergie, et l’équipement devrait être dimensionné pour répondre à la demande accrue, comme c’est le cas pour les hôpitaux. L’ampleur exacte de l’augmentation de la demande énergétique dépendra du lieu. L’utilisation d’une plus grande proportion d’air extérieur constitue déjà une stratégie écoénergétique établie en climats tempérés. Au Royaume-Uni, par exemple, la température de l’air extérieur est inférieure à 18oC de 60 % à 70 % de l’année, explique Austin Wikner, chef de l’équipe de mécanique du bâtiment de WSP à Londres. Propulser cet air dans un immeuble à l’aide d’un système de circulation peut donc entraîner des économies d’énergie de jusqu’à 40 % par rapport à l’usage de ventilo-convecteurs. « Ce n’est pas particulièrement nouveau ou novateur, mais ça suscite de plus en plus d’intérêt maintenant que l’on connaît l’ampleur des économies d’énergie que ça peut engendrer. C’est devenu notre solution par défaut. »
De même, à San Francisco, l’air extérieur peut être utilisé pendant la majeure partie de l’année, alors qu’à New York (et en générale sur la côte est des continents), il fait très chaud et humide en juillet et août et peut faire très froid en hiver, qui coïncide typiquement avec la saison de la grippe. « S’il s’agissait d’un nouveau projet, j’essaierais de minimiser la quantité d’énergie supplémentaire ou, à tout le moins, les périodes durant lesquelles la demande énergétique serait accrue, affirme Todd See.
Todd a conçu un système novateur pour un espace dans lequel l’air est entièrement conditionné avec 100 % d’air extérieur sans nécessiter plus d’énergie pour le fonctionnement de ventilateurs; le système a été installé dans un établissement de recherche pour l’Administration océanique et atmosphérique nationale (NOAA) des États-Unis à Hawaii. Il s’inspire du vieux principe issu du Moyen-Orient de stratification de l’air dans l’espace de manière à ce que la chaleur monte et de l’air extérieur frais entre près du sol. « Il fait appel à des cheminées dans lesquelles l’air est chauffé à l’énergie solaire pour engendrer de faibles forces qui font circuler toujours plus d’air dans l’immeuble. » Ce système a été aménagé dans plusieurs autres immeubles, dont un bureau de deux étages pour le siège de la Hilton Foundation en Californie.
Mais ne pourrait-on pas tout simplement ouvrir les fenêtres? « Tout le monde parle de la ventilation naturelle, explique Gary Pomerantz. Je pense que c’est très bien, pourvu que je sois assis près de la fenêtre en amont du vent. Mais il y aura des personnes en aval, et ces personnes seront exposées aux microbes de tous les autres occupants, transportés par l’air qui traverse l’espace avant d’être évacué de l’immeuble. »
Toute stratégie de résilience aux pandémies doit aussi tenir compte d’autres menaces graves. Parfois, c’est l’air extérieur qui est problématique, comme ce fut le cas en Australie durant les incendies qui ont fait rage d’octobre 2019 à janvier 2020. « À Sydney, une odeur de fumée a persisté dans le bureau pendant trois mois, et à l’extérieur, on ne voyait pas à plus de 100 m », affirme Jonathan Ramajoo, chef du secteur de la santé chez WSP en Australie. « Ils devaient en fait couper l’apport d’air extérieur à l’immeuble pendant plusieurs heures. S’il devait y avoir un incendie pendant la pandémie de COVID, ça compromettrait vraiment la qualité de l’air dans le bureau. » Dans un nouvel immeuble pour l’Australian National University, WSP a conçu des systèmes de conditionnement de l’air pouvant accueillir des filtres à charbon quand il est nécessaire de retirer les particules de fumée de l’air entrant, de manière à maintenir un apport d’air extérieur dans les locaux. « L’espace ainsi prévu pourrait permettre l’utilisation d’autres types de filtres pour contrer les risques environnementaux auxquels nous faisons face », ajoute Jonathan.