Les déplacements actifs, comme la marche et le vélo, sont une sorte de solution miracle pour créer la santé. « Ils rendent évidemment les gens plus dynamiques, mais peuvent aussi améliorer leur état d’esprit pendant leur journée de travail et les inciter à sortir de chez eux », déclare Katherine Bright, directrice de la planification des transports chez WSP Royaume-Uni. « Cela contribue à améliorer la qualité de l’air et à déplacer les voitures et les embouteillages hors de la ville, ce qui rend les rues beaucoup plus agréables et plus attrayantes. »
Néanmoins, enlever l’espace dédié aux voitures est une solution controversée, car les commerçants locaux s’y opposent farouchement. « En général, c’est pour ça que les programmes de déplacements actifs échouent, ajoute Simeon Butterworth, qui travaille avec Katherine Bright en tant que directeur chez WSP. Dans la plupart des stratégies de transport, la viabilité économique de la rue principale prime sur les questions de santé. » La COVID a bouleversé les choses en imposant brusquement des changements qui auraient pris des années à réaliser. En mai, le gouvernement britannique a mis en place des fonds d’urgence pour soutenir le transport actif. Simeon Butterworth et Katherine Bright ont depuis travaillé avec plus de 30 responsables locaux à mettre en place des mesures comme l’ajout de pistes cyclables et la réattribution de l’espace routier.
« Les déplacements actifs sont plus viables au premier et au dernier kilomètre d’un trajet, il faut donc les intégrer aux réseaux de transport collectif, explique Simeon Butterworth. Pour que cela ait une influence à long terme sur la façon dont nous nous déplaçons, nous devons déployer cette approche à grande échelle. »
Prenez le « centre de mobilité », un autre concept qui gagne rapidement du terrain et que les équipes de mobilité de WSP Royaume-Uni travaillent aussi à mettre en œuvre avec les responsables locaux. Ce centre rassemble des modes de déplacement nouveaux et traditionnels, comme le train, le bus, le taxi, le vélopartage, les scooters électriques et les robots de livraison ainsi que des installations ou des services qui peuvent manquer dans la région, que ce soit un supermarché, une clinique sans rendez-vous, un centre communautaire ou des boites postales. « L’idée est de faciliter les déplacements en utilisant des modes de transport durables, explique John Bradburn, consultant chez WSP. Plutôt que de prendre la voiture pour emmener leurs enfants à la garderie, puis d’aller au travail de l’autre côté de la ville, au supermarché et de retourner à la garderie, les gens pourraient simplement aller au centre de mobilité local pour faire tout ce dont ils ont besoin et se rendre au travail à partir de là ». Toby Thornton, directeur technique de la mobilité future chez WSP Royaume-Uni ajoute : « Cette approche est centrée sur l’humain et sur une zone en particulier. Elle repose sur la compréhension des besoins propres à une région et cherche à combler des lacunes, comme le manque d’accès à des biens essentiels ou à l’éducation. Certains de ses composants peuvent être temporaires, ce qui fait que la fonction du centre de mobilité évoluera au fil du temps. »
« En mettant davantage l’accent sur la prévention, les systèmes de santé pourraient choisir d’investir dans des domaines qui semblent indépendants, comme le transport. La mobilité et la santé sont intrinsèquement liées », affirme Stacey Matlen, une employée de WSP qui est actuellement détachée à la ville de Detroit en tant que stratège principale en mobilité. Possédant une formation en santé publique, elle travaille sur un projet pilote qui vise à donner accès aux personnes âgées à des activités favorables à la santé en utilisant des véhicules autonomes*. « Mon objectif n’est pas seulement de démontrer l’utilité de la technologie, mais aussi celle du modèle commercial et de la valeur du transport pour la santé. Je cherche à établir le lien de causalité entre l’accès au transport, l’accès aux services de base et les résultats pour la santé. »
Le transport actif est plus facile à mettre en place dans certains climats que dans d’autres. Par exemple, si l’on voulait augmenter l’accessibilité des villes des Émirats arabes unis, dont les températures estivales sont étouffantes, il faudrait créer de l’ombre sur la plupart des allées piétonnes, souligne Farah Yassine, responsable de la gestion durable des ressources chez WSP Dubaï. Les règlements actuels en matière de construction écologique aux Émirats arabes unis prévoient un pourcentage d’ombrage, et selon Farah Yassine, les clients là-bas s’intéressent de plus en plus au confort thermique extérieur, à mesure qu’ils voient les incidences commerciales positives d’une hausse de la fréquentation piétonne et les avantages pour la santé que l’accès à la nature peut offrir. « Les normes, comme Pearl Community Rating System de l’initiative Estidama, BREEAM Communities et WELL Community Standard, peuvent être utiles pour aider les promoteurs à comprendre ce qui permet de soutenir la santé, dit-elle, mais si on accorde la priorité à la santé et au bien-être dans la planification du projet, on n’a pas vraiment besoin de suivre de normes. Une conception éclairée axée sur l’humain englobera intrinsèquement les principes de santé et de bien-être. » Farah Yassine pense que les communautés devraient être invitées à jouer un rôle beaucoup plus important dans l’élaboration de nouveaux projets de construction. La santé peut se décliner sous différentes formes, souligne-t-elle : « pour certains, il peut s’agir d’avoir une salle de sport dans son immeuble, pour d’autres, une salle de jeux pour les enfants. Nous pouvons créer des endroits plus sains en demandant aux gens ce qui fonctionne pour eux, et cela finira par les aider à adopter des modes de vie plus sains. Permettre aux gens de façonner leurs communautés peut aussi avoir des incidences bénéfiques pour leur santé mentale », ajoute-t-elle.