De nos jours, plusieurs gouvernements, municipalités et organismes fixent des cibles ambitieuses pour leurs
objectifs de développement durable de l’Assemblée générale des Nations Unies, conscients que nous devons de toute urgence veiller à ce que nos villes soient plus durables et égales pour tous. Alors, pourquoi ne pas prendre l’égalité en matière de santé au sein de l’environnement bâti comme indicateur pour les responsabiliser?
L’égalité en matière de santé est un test décisif très efficace du développement durable, non seulement parce que cette égalité est mesurable, mais aussi parce que lorsque vous créez les conditions du bien-être, vous donnez naissance à des lieux efficaces à bien d’autres égards. Un environnement où les gens peuvent satisfaire leurs besoins quotidiens en marchant ou en enfourchant un vélo, et où il est sécuritaire pour tous de le faire, favorise un mode de vie actif, l’interaction sociale, et la réduction des émissions de carbone et de la pollution atmosphérique émanant des voitures. Les espaces verts contribuent à la santé physique et mentale des citoyens, mais aussi à l’adaptation aux changements climatiques puisqu’ils offrent une protection contre les inondations et les températures extrêmes. Ce qui contribue à l’égalité en matière de santé revêt des bénéfices globaux.
À en juger par les aménagements urbains des dernières décennies, il est évident que la réduction des inégalités en matière de santé ne constituait pas une préoccupation majeure. L’écart se creuse entre les différents groupes sur le plan des résultats sur la santé et de l’espérance de vie, ces deux éléments étant fortement corrélés avec la géographie. En Suède, où je vis, réduire les inégalités est l’un des objectifs de développement durable où le pays peine à faire des progrès, et régresse même. Cette montée en matière d’inégalités signifie qu’en vivant dans un secteur de Stockholm, votre espérance de vie dépasse de plusieurs années celle de quelqu’un vivant dans une autre partie de la ville. Et la situation est similaire dans plusieurs autres grandes villes du monde.
L’urbanisme est responsable de la construction de vastes quartiers en banlieue et de grands ensembles de tours d’habitation qui entrainent la concentration des groupes socioéconomiques dans des secteurs spécifiques, ainsi que du passage d’autoroutes à travers des communautés résidentielles alors aux prises avec des problèmes de bruit et de pollution et incapables de profiter des services qu’offrent les quartiers environnants. Le tout complique l’offre d’une gamme complète de services et la création d’un réseau de transport efficace, et alimente l’isolement et la mauvaise cohésion sociale.
En tant qu’urbanistes, nous avons le pouvoir de résoudre les problèmes physiques qui contribuent aux inégalités en matière de santé, non seulement la répartition des espaces verts, mais aussi celle des services de santé et des pharmacies. La preuve est là! L’accès aux soins de santé, c’est-à-dire le temps nécessaire pour se rendre à un hôpital et la facilité avec laquelle un individu est en mesure de se procurer ses médicaments, affecte les résultats sur la santé et la COVID-19 n’a fait que souligner l’importance de cet aspect. Les villes où cet accès est égal pour tous seront aussi plus résilientes face à des pandémies futures.
Des chercheurs de Philadelphie ont découvert que l’emplacement des centres de vaccination et la disponibilité des transports sont un frein majeur à la vaccination, un phénomène qui touche de manière disproportionnée les communautés noires et latinos (en anglais).
Certaines des mesures que nous pouvons prendre pour lutter contre les inégalités en matière de santé sont évidentes. En effet, les quartiers favorisant la marche, les espaces verts et le transport actif encouragent un mode de vie plus sain. D’autres le sont moins, comme éviter le développement de vastes monocultures de types d’habitation ou la construction de barrières physiques qui cloisonnent les communautés. Ces idées ne datent pas d’hier. Ne s’agit-il pas des mêmes questions qui émergent lorsque nous abordons la qualité de vie, la neutralité climatique ou les villes adaptées aux enfants et aux personnes âgées?
Il est crucial que nous réalisions des progrès rapides en matière de développement durable, de santé et d’égalité au cours de la prochaine décennie. Ainsi, lorsque les gouvernements affirment donner la priorité à ces questions, nous devrions peut-être demander à voir des preuves. Quelle est la dimension de leurs cours d’école et terrains de jeux? Est-il facile pour les citoyens d’accéder à des espaces verts ou des loisirs de plein air? Combien de personnes vivent dans des espaces surpeuplés ou dépendent de moyens de transport qui émettent des émissions de carbone pour se déplacer?
Il ne s’agit pas de changer complètement notre façon de planifier des villes ou de faire des affaires, mais de modifier légèrement les modèles actuels et d’adopter une nouvelle mentalité. On observe dans le monde entier un nombre croissant de parfaits exemples de ce changement, tels que des autoroutes réaménagées en parcs, la considération de la valeur sociale comme critère de sélection dans le cadre du processus d’approvisionnement du secteur public, ou bien le développement de modèles de cohabitation réunissant en un même espace des résidences pour personnes âgées et des écoles maternelles ou primaires. Il nous faut donc utiliser ces exemples pour montrer que ce nous pouvons faire pour aider, et ce, en pensant tout simplement à la santé sous un autre angle.
Si l’égalité en matière de santé ne figure pas encore au premier rang des priorités de tous les pays, ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle occupe cette position. Il sera impossible de créer des économies ou des entreprises prospères sans cette égalité. Dans les années à venir, ce sont les gouvernements et les sociétés qui parviendront à concrétiser en premier cette priorité qui seront couronnés vainqueurs.