Jouons à un jeu d’association. Si je vous dis « drain », quel terme vous vient à l’esprit?
La réponse de Stephanie Brown, principale responsable technique, Urbanisme et environnement chez WSP Nouvelle-Zélande, risque fort bien d’être « cours d’eau ».
« De nos jours, il n’est plus suffisant de se contenter de solutions techniques à un problème », déclare l’ancienne hydrologue qui travaille maintenant comme planificatrice environnementale.
« Nous avons déjà tenté l’expérience. Ça n’a jamais été une idée valable par le passé, ce n’est désormais même plus une solution à court terme. »
Stephanie n’est d’ailleurs pas amatrice des solutions à court terme. Après tout, « une conception environnementale judicieuse demande de penser au-delà du moment présent ».
Dans le contexte de nos cours d’eau et de nos milieux humides, cela implique de travailler de pair avec la nature, plutôt que de lutter contre elle, en élaborant des solutions qui imitent les processus naturels et réduisent au minimum les perturbations environnementales.
« Il ne s’agit pas de cesser le développement », explique-t-elle. « En tant qu’entreprise spécialisée en infrastructures et en environnement, WSP travaille à régler divers problèmes et à bâtir ce qui importe pour nos clients et les communautés tout en nous assurant que ce soit fait de la bonne manière. »
Stephanie mentionne le travail collaboratif de WSP avec le conseil régional de la Baie de l’Abondance et le tangata whenua (peuple maori) dans le cadre du projet de revitalisation de l’estuaire Maketū* (ou Te Awa o Ngātoroirangi). Exemple à la fois de l’impact de plusieurs décennies de pratiques traditionnelles et de notre capacité à inverser la dégradation de l’environnement, le projet a reçu en 2020 les prix Rodney Davies Project Award* et Terry Healy Project Award*, décernés respectivement par le New Zealand Planning Institute et la New Zealand Coastal Society.
« On commence par détourner la rivière pour pouvoir drainer le milieu humide et le transformer en pâturage. Puis, lorsque ce dernier est inondé, ce qui est inévitable en raison de son emplacement, des digues et des réseaux de drainage sont construits. On se retrouve ainsi avec un estuaire engorgé de sédiments et d’algues, et donc une perte d’habitat précieux pour les oiseaux, les poissons et les mollusques, ainsi qu’une grande perte de valeur culturelle. »
« Toute “solution” entraine à son tour des problèmes. Comment les résoudre? Eh bien, restaurer à leur état initial les milieux autant que possible, et non pas recourir à des artifices », confie Stephanie.
Bien que le concept de la dérivation du fleuve Kaituna vers l’estuaire Maketū*, qui vise à augmenter l’afflux d’eau douce et à revitaliser les milieux humides, ait reçu un appui généralisé, le public a dû examiner minutieusement la portée, les options et la méthodologie du projet lors de la phase de planification et d’autorisation pour parvenir à un consensus quant à la relation et à l’équilibre entre les questions environnementales, sociales et économiques du projet. L’approche collaborative adoptée dans le cadre du travail avec le tangata whenua et la communauté fut critique pour le succès du projet.
On observe maintenant les premiers signes d’un rétablissement dans l’estuaire, notamment le retour des poissons à nageoires, des mollusques et de diverses espèces d’oiseaux. Le projet a d’ailleurs permis d’améliorer les activités récréatives pour la communauté locale et contribué à restaurer la mauri (essence vitale). Il s’agira par contre d’un long processus de restauration.
Et si on revenait à l’association drain/cours d’eau?
« Il existe un lien fort entre la manière dont nous traitons nos terres et la santé de nos cours d’eau », révèle Stephanie. « Historiquement, les cours d’eau urbains ont longtemps été perçus comme des réseaux de drainage, jouant le rôle de drains et de canalisations. Ce faisant, nous avons rempli les cours d’eau, les estuaires et les ports de sédiments et de contaminants, et créé une liste de problèmes sans fin. Nous sommes peut-être incapables de restaurer l’état initial d’un cours d’eau, mais il est possible de le naturaliser de façon à améliorer son habitat et sa biodiversité. »
« À la lumière des défis que posent les changements climatiques, il est d’autant plus crucial de nous questionner sur la manière de travailler de pair avec la nature de façon à régler les problèmes d’hier et de demain. »
* Les liens marqués d’un astérisque ne sont disponibles qu’en anglais.