L’Arctique est en mutation. L’impact dévastateur du changement climatique accéléré redessine le paysage de la région. En effet, les glaces polaires fondent, et les côtés s’érodent.
La fonte des glaces ouvre la porte à un trafic maritime accru dans l’Arctique où se croisent des intérêts locaux comme étrangers. En 2016, le premier navire étranger traversait le passage du Nord-Ouest. En 2017, 385 déplacements étaient répertoriés dans les eaux canadiennes de l’Arctique. Soit une hausse de 22 % comparativement à l’année précédente, selon le Cadre stratégique pour l’Arctique et le Nord du gouvernement du Canada.
Protection de notre frontière la plus au nord
Les eaux arctiques font déjà l’objet de discussions à l’échelle internationale, puisque trois pays revendiquent des territoires nordiques pouvant être menacés. En vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS), les pays ayant une côte le long de l’océan Arctique disposent d’une limite de 200 milles marins de propriété sur les eaux. Cependant, ces mêmes pays peuvent demander une prolongation de ces limites s’ils sont en mesure de prouver que le sol sous-marin (plateau continental) fait partie de leur territoire de base. Le Danemark et la Russie ont déjà revendiqué de telles portions de territoire, selon la définition de l’UNCLOS. Quant au Canada, il a déposé sa demande en 2019. Un problème persiste tout de même en ce qui concerne le passage du Nord-Ouest lui-même, que les États-Unis ont déclaré comme une voie maritime internationale, alors que le Canada le revendique comme faisant partie de ses eaux souveraines.
Ces désaccords territoriaux, auxquels s’ajoutent ceux concernant les classes de navires pouvant naviguer dans les eaux arctiques, rendent la surveillance de la région de plus en plus difficile. Pour s’attaquer à ces défis croissants, les Forces armées canadiennes disposent d’un nombre limité d’actifs dans la région, aussi bien sur le plan des infrastructures que du personnel. Il existe six bases réparties dans les trois territoires, dont quatre sont situés le long de la route maritime nordique potentielle : à Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, ainsi qu’à Alert, à Nanisivik et à Resolute, au Nunavut. Les activités des six bases couvrent une superficie de 3,92 millions de kilomètres carrés.
Aucun soutien civil pour les efforts militaires
En temps de crise, les Forces armées canadiennes pourraient chercher à utiliser des actifs non militaires pour assurer une meilleure intervention. Mais un problème se pose, car les infrastructures non militaires sont quasi inexistantes dans la plupart des régions nordiques.
Ce manque d’infrastructures dans le nord du Canada est stupéfiant. Par exemple, au Nunavut, qui compte pour 20 % de la masse terrestre du Canada, le manque d’infrastructures est criant. Selon un rapport de Nunavut Tunngavik Inc. publié en octobre 2020 sur le manque d’infrastructures au Nunavut intitulé Nunavut’s Infrastructure Gap (en anglais), l’état des infrastructures dans l’ensemble du territoire arctique est lamentable. La longueur moyenne d’une piste d’aéroport au Nunavut est moins de la moitié de celle d’un aéroport d’une grande ville du Canada, ce qui limite le type d’avion pouvant y atterrir en toute sécurité. Le territoire ne compte ni autoroute ni voie ferrée. Aucune des sources d’énergie n’est renouvelable, et la population dépend du diésel expédié par voie terrestre ou aérienne. En ce qui concerne le traitement de l’eau, 85 % des installations sont en mauvaise condition. En outre, malgré le fait que 24 des 25 communautés sont situées sur la côte, une seule dispose d’un port (alors que le Canada en compte 1 010 au total). Nos communautés nordiques ne disposent pas des infrastructures de base pour soutenir une quelconque croissance, ni le développement, ni la sécurité de la région arctique.
Exacerbation du problème par les changements climatiques
Le simple fait de construire des infrastructures ne suffit pas. Comme le changement climatique modifie rapidement le paysage arctique, une approche différente doit être adoptée pour bâtir le Nord. Des milliards de dollars d’investissement sont nécessaires pour doter ces communautés d’infrastructures adéquates, qui pourraient aussi être utilisées par l’armée en temps de crise.
La préparation d’une analyse des risques associés au changement climatique s’impose donc pour déterminer la meilleure manière d’investir les ressources financières actuellement limitées dans les infrastructures, qu’elles soient militaires ou civiles. Les analyses du risque lié au changement climatique ainsi que les évaluations de résilience fournissent de l’information dont les communautés et territoires nordiques ont besoin pour mettre leurs dépenses par ordre de priorité et planifier les prochaines décennies en fonction des impacts climatiques.
En plus du problème d’érosion des côtes mentionné précédemment, un autre facteur de risque important dans le Nord est la dégradation du pergélisol. Des scientifiques de partout au Canada se penchent sur ce phénomène. Ils cherchent à déterminer les endroits où se situe le pergélisol, la vitesse de sa dégradation et les répercussions associées sur la surface du sol. L’aéroport d’Inuvik est un bon exemple des conséquences de la dégradation du pergélisol. C’est l’un des plus importants actifs du Grand Nord, puisqu’il est le point d’entrée de nourriture et de fournitures pour de plus petites communautés de la région. Il constitue également l’un des emplacements d’opérations avancées de la Défense nationale. En 2013 et 2016, la dégradation du pergélisol a causé des dommages à la piste de l’aéroport, entraînant une réduction des services jusqu’à ce que les réparations soient effectuées. Par la suite, des travaux de modernisation fondés sur des projections climatiques allant jusqu’en 2080 ont été réalisés par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, ce qui lui a permis d’évaluer les risques sur les 50 ans de durée de vie utile prévue des composants du projet. Ces évaluations, maintenant obligatoires dans les projets d’Infrastructure Canada de plus de 10 millions de dollars, sont désormais cruciales pour s’assurer de bâtir le Nord en tenant compte des impacts futurs, et non pas uniquement des paramètres actuels.
Pour renforcer la région de l’Arctique, il faudra des investissements à hauteur de plusieurs milliards de dollars, afin de construire de nouvelles infrastructures militaires et civiles. À l’heure où le Nord s’ouvre au trafic maritime et qu’il subit les menaces inévitables associées à cette situation, il est impératif de prendre des engagements dès maintenant, sans attendre. Pour déterminer la hauteur de ces investissements, il est essentiel d’évaluer les risques climatiques actuels et futurs pouvant avoir des répercussions sur l’intégrité de ces actifs. Ainsi, bâtir des infrastructures conçues pour l’avenir est ce qui nous permettra de relever les défis qui se pointent à l’horizon.
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