Dans le présent article, nous aborderons le secteur agricole sous l’angle des émissions produites par l’utilisation de carburants à la ferme, la production de cultures et l’élevage de bétail.
Solutions à court terme
Selon Jenn Packer, conseillère en réduction des GES, Résilience et développement durable chez WSP Canada, certaines des plus grandes occasions en matière de réduction des émissions à court terme dans l’industrie agricole se présenteront où il existe actuellement peu d’obstacles réglementaires, économiques ou technologiques.
Il est possible d’utiliser le biogaz, issu du fumier ou d’autres sources organiques, pour produire de l’énergie verte destinée à alimenter les exploitations agricoles, ou de le transformer en gaz naturel renouvelable et de l’introduire dans un gazoduc. En Alberta, les pratiques reconnues dans le cadre du programme Système de crédits compensatoires de l’Alberta / Alberta Offset System (en anglais seulement), telles que l’agriculture de conservation et la gestion des nutriments, peuvent également entraîner des réductions considérables des émissions provenant des activités agricoles.
On peut atténuer les émissions en réduisant la demande par habitant de produits à grande intensité carbonique. Ces émissions sont notamment dues à la fermentation entérique du bétail, à la gestion du fumier ainsi qu’à la gestion des sols associée à la production d’aliments pour le bétail.
Une autre solution pour réduire les émissions est de recourir à l’agriculture verticale, notamment lorsqu’un bâtiment est alimenté par des sources renouvelables. Dans un environnement contrôlé, on constate que le rendement augmente, même avec un minimum de contrôle de la vermine et des applications chimiques qui peuvent avoir un effet négatif sur l’ensemble de l’environnement.
Solutions à long terme
Mme Packer envisage les façons dont l’avancement en énergie verte peut être exploité pour créer des engrais chimiques au moyen de méthodes moins intensives en carbone.
Le développement continu de l’hydrogène vert, produit à l’aide de l’électrolyse et de l’électricité renouvelable, peut déboucher sur un vecteur énergétique quasiment neutre en carbone. Ce dernier peut être mélangé avec l’azote présent dans l’air pour produire de l’ammoniac (NH3). Il est alors possible de fabriquer des engrais à partir de cet ammoniac. En revanche, le procédé classique repose sur l’utilisation de gaz naturel pour produire de l’hydrogène, ce qui entraîne une forte émission de dioxyde de carbone (CO2).
Par ailleurs, le développement continu dans la production de biocharbon ouvrirait la voie à la réduction du carbone en agriculture. Celui-ci est produit en brûlant des matières organiques comme des résidus de culture, herbes, copeaux de bois ou du fumier à haute température et dans une atmosphère pauvre en oxygène basé sur le processus appelé pyrolyse. Son application aux sols pourrait augmenter la concentration de carbone dans le sol. Ainsi, cela permet non seulement de réduire les émissions de carbone, mais aussi de bénéficier d’autres avantages agricoles, notamment une meilleure fertilité des sols et une meilleure productivité des cultures. Le carbone est piégé par son transfert à long terme du carbone de la matière organique au biocharbon, qui autrement se décomposerait naturellement et émettrait du dioxyde de carbone et du méthane dans l’atmosphère. La production de biocharbon entraîne également l’apparition d’un gaz de synthèse et d’une biohuile, qui peuvent servir de solutions de rechange aux combustibles fossiles. Enfin, l’amélioration de la qualité des sols permet de réduire les émissions d'oxyde nitreux liées à l’utilisation et application d’engrais.
Il existe plusieurs solutions émergentes qui pourraient se concrétiser à mesure que de nouvelles solutions sont introduites. Cela dit, l’hydrogène vert et le biocharbon présentent, à ce stade, un potentiel important pour faire baisser les émissions dans ce secteur.
Occasions illimitées
Une voie vers la carboneutralité au niveau national comprend des investissements dans les carburants à faible teneur en carbone, ce qui est possible dans le secteur agricole. Les biocarburants issus des cultures et le gaz naturel renouvelable issu du fumier sont d’importantes ressources en carburant à développer dans le cadre de l’économie à faibles émissions de carbone du Canada.
La biodiversité et les autres co-bénéfices associés à la solution de décarbonisation dans le secteur de l’agriculture sont extrêmement importants dans la mesure où nous regardons au-delà des émissions nettes de GES pour atteindre les objectifs de développement durable. Les biobanques, qui reconnaissent les crédits compensatoires de biodiversité volontaires, suscitent un intérêt croissant dans le monde entier, le Royaume-Uni étant le chef de file en matière de crédits compensatoires de biodiversité.
L’industrie agricole est actuellement une source d’émissions, mais elle offre également la possibilité de devenir un puits de carbone, d’après Mme Packer. En effet, il est possible de parvenir à des émissions négatives grâce à diverses techniques agricoles, notamment le semis direct, le renforcement des sols par des cultures de couverture, une meilleure utilisation des résidus de culture et la plantation d’arbres sur les terres agricoles. Cependant, les émissions négatives ne sont justifiées que si le carbone demeure piégé.
Comme le souligne Mme Packer, la réduction des émissions dans le secteur agricole n’est pas sans obstacle. Il n’est pas facile de garantir que la séquestration du carbone attribuée aux solutions naturelles est réelle et vérifiable. Bien qu'il existe des méthodologies reconnues au niveau mondial pour les activités de piégeage du carbone, il est possible que les estimations ou les attributions soient inexactes, ce qui soulève des inquiétudes quant à l'opportunité de se fier à ce type de piégeage pour atteindre les objectifs de carboneutralité. Certaines de ces préoccupations découlent du fait que si, par exemple, la séquestration géologique du carbone à l’aide des technologies de captage, d’utilisation et de stockage du carbone peut être mesurée, celle résultant des solutions naturelles ne peut souvent être qu’estimée.
La question de la pérennité est une autre préoccupation. Des estimations fiables de la séquestration doivent tenir compte du stockage permanent du carbone ainsi que des fuites éventuelles. Il peut arriver que le carbone piégé dans la biomasse « s’échappe » ou revienne dans l’atmosphère lorsque cette dernière se décompose ou est brûlée par un feu de forêt (la sécheresse et les feux de forêt sont tous deux susceptibles d’augmenter à cause des changements climatiques).
L’industrie agricole offre de réelles possibilités de réduire l’empreinte des émissions du Canada. Si les principaux obstacles sont surmontés, il est possible de réduire les émissions et d’utiliser au mieux les terres agricoles pour la capture et la séquestration du carbone. Et avec le développement continu de carburants à faible teneur en carbone à partir de sous-produits agricoles, le secteur peut contribuer à fournir des solutions pour la réduction des émissions qui vont au-delà de la ferme, sur la route ou dans l'usine..
Pour en savoir plus sur la façon dont WSP Canada peut accompagner l’industrie agricole dans la réduction de son empreinte carbone, consultez notre page Vers la carboneutralité ou communiquez directement avec Jenn Packer.