La production des matériaux nécessaires à la construction de notre environnement bâti génère une quantité importante d’émissions, que ce soit lors de l’excavation de granulats dans des carrières, de la coupe d’arbres en forêts ou de la fabrication d’acier dans des hauts fourneaux. Tous ces procédés nécessitent de l’énergie, et cette énergie ne provient pas toujours entièrement de sources renouvelables.
Le Canada s’efforcera au cours des décennies à venir d’atteindre la carboneutralité. Mais alors, comment faire pour réduire l’empreinte carbone liée à la production des matériaux nécessaires au développement de l’environnement bâti?
Des solutions à court terme
La recherche de solutions visant à réduire le volume de matériaux de construction utilisés peut constituer un moyen rapide de diminuer les émissions liées à ces matériaux, en particulier ceux générés par des travaux de remise en état ou de retrait d’actifs. Selon Will Nash, chef de l’équipe Performance des matériaux de WSP Canada en Colombie-Britannique, « les trois R sont la solution : c’est bien de recycler les matériaux, c’est mieux de les réutiliser (ou leurs composantes), mais la meilleure solution reste de réduire la quantité de matériaux dont nous nous servons. Même si nous parvenons à une carboneutralité en matière de matériaux de construction, nous serons quand même aux prises avec un effondrement de la biodiversité causé par une consommation excessive. L’objectif numéro un devrait donc être d’utiliser les ressources que nous possédons déjà. »
Comme évoqué plus haut, la production de matériaux de construction nécessite un apport énergétique qui n’est pas toujours propre. En nous tournant vers des véhicules électriques alimentés par des sources d’énergies propres et renouvelables, nous sommes en mesure d’entrainer une réduction immédiate des émissions. Les cinq dernières années ont été marquées par de grandes avancées en ce qui concerne l’électrification de machineries essentielles utilisées dans les secteurs de la construction, notamment pour la production de granulats ainsi que la récolte et la transformation du bois, grâce à la mise au point de machinerie lourde hybride et électrique par les fabricants d’équipements.
Une intégration accrue de matériaux à faibles émissions de carbone intrinsèque contribuera à réduire les émissions, mais cette solution doit être envisagée tôt au cours de la phase de conception du projet. Il est toutefois important de souligner que les matériaux en bois massif, dont l’utilisation est en hausse au Canada, doivent provenir de plantations durables plutôt que de forêts anciennes. « La coupe de forêts de peuplement mûr est la principale source d’émissions de carbone au Canada due non seulement à la combustion du bois, mais aussi à la perte des réservoirs de carbone dans le sol », met en garde Will Nash.
Des solutions d’avant-garde
Le développement de nouvelles technologies, qui passent du stade des essais à la commercialisation, ouvre des perspectives prometteuses à moyen terme en ce qui a trait à la réduction des émissions liées aux matériaux de construction.
En effet, des solutions pour obtenir du béton à empreinte carbone intrinsèque réduite grâce à des matériaux alcali-activés et à d’autres procédés sont à un stade avancé de développement. En Allemagne et en Suède, la production d’acier par réduction directe du minerai de fer à l’hydrogène fait l’objet d’un projet pilote et devrait éventuellement ouvrir la voie à de l’acier carboneutre. Mis à l’essai au Québec, le processus d’ELYSIS vise à éliminer toutes les émissions directes de gaz à effet de serre du processus de production d’aluminium. Ailleurs au Canada, l’entreprise Wanipigow Glass travaille au développement d’un verre flotté à faibles émissions et devrait passer en phase de production au cours de 2022. Une autre solution serait d’utiliser des matériaux issus de plantations à courte rotation, comme le bambou et les fibres de chanvre, qui peuvent emmagasiner le carbone tant et aussi longtemps que les bâtiments qu’ils composent sont entretenus.
« Plusieurs recherches passionnantes sur le ciment bactérien, la photosynthèse artificielle dans le domaine de la chimie organique, les plantations génétiquement modifiées pour produire des fibres à haute valeur comme la soie d’araignée, et la production de nanotubes de carbone à partir d’émissions de CO2 atmosphérique sont en cours », précise Will Nash, citant d’autres recherches qui pourraient conduire à de futures solutions en matière de matériaux de construction à faibles émissions de carbone.
Outre les économies de carbone possibles au niveau de la collecte et de la production des matériaux, des réductions d’émissions peuvent également être réalisées grâce à une meilleure planification de l’utilisation des matériaux à la fin du cycle de vie de l’actif construit. Ainsi, en prévoyant les aspects de réduction, de réutilisation et de recyclage (trois R) pour tous les matériaux utilisés, et ce, dès le début du processus de conception, on peut réduire les émissions globales de carbone de l’environnement bâti.
Les obstacles sur la route de la carboneutralité
Il ne sera pas facile de procéder aux modifications nécessaires pour atteindre la carboneutralité des processus entourant la production de matériaux de construction, et ce, en raison des obstacles qui entravent cette route.
« La plupart des obstacles sont associés à la bureaucratie, à la flexibilité des normes d’ingénierie et au bouleversement du statu quo. De nombreux producteurs établis ont investi massivement dans leur chaîne de production. Les émissions résultant de l’extraction et du transport de ressources ne sont pas uniquement du ressort de l’industrie. Il faut également que les fabricants demandent des chaines d’approvisionnements plus durables pour ainsi assurer un meilleur produit. »
Will Nash
chef de l’équipe Performance des matériaux de WSP Canada
L’écoblanchiment demeure aussi un risque bien réel, aussi bien au niveau de la production que de la collecte de matériaux. En effet, certaines entreprises pourraient exagérer les réductions d’émissions qu’elles réalisent véritablement.
Le danger avec la course pour créer des matériaux écologiques destinés à l’environnement bâti est de mettre sur le marché des produits avant qu’ils n’aient fait leurs preuves. Cela s'est déjà produit par le passé, par exemple dans le cas des conduites d'eau en polybutylène, où des produits non éprouvés ont été mis sur le marché à la hâte mais ne répondent pas aux exigences de performance. Les concepteurs doivent avoir confiance dans ces produits à faibles émissions avant qu'ils ne soient largement adoptés.
Des changements, orchestrés par tous les ordres de gouvernements, seront nécessaires pour répondre aux exigences de réduction des émissions de carbone en matière de traitement et de production de matériaux. Par ailleurs, les entreprises déjà présentes dans ces secteurs devront également procéder à des modifications importantes de leurs activités, des modifications dont l’application pourrait être imposée par des lois.
Comptant déjà des réseaux de distribution à faible empreinte carbone en Colombie-Britannique, au Manitoba, au Québec et en Ontario, le Canada est bien positionné pour devenir un leader mondial en matière de production de matériaux à faibles émissions de carbone.
L’équipe de WSP Canada est consciente que nous avons nous aussi notre rôle à jouer afin que l’industrie puisse réaliser les modifications nécessaires.
« En tant qu’ingénieurs, nous pouvons jouer un rôle de premier plan en élaborant des spécifications axées sur les performances qui visent à réduire le carbone intrinsèque, et en utilisant de nouveaux matériaux dans des domaines non critiques, afin d’obtenir des données à long terme sur leur rendement, et ainsi améliorer la performance de ces processus et la confiance envers ceux-ci. »
Pour en savoir davantage sur la contribution de WSP Canada en matière de réduction des émissions de carbone liées aux matériaux de construction, visitez la page de notre site Web Vers la carboneutralité ou communiquez avec Will Nash.