En 2020, la Banque des Pays-Bas déclarait que « toutes les entreprises dépendent de la biodiversité, c’est-à-dire de ses services écosystémiques ou d’autres actifs du capital naturel, et l’affectent, que ce soit directement dans le cadre de leurs activités ou indirectement par leur chaine d’approvisionnement. »
La communauté financière internationale, qui traditionnellement jette son dévolu sur les entreprises les plus rentables, commence à réaliser que d’autres facteurs doivent être pris en compte dans ce processus. En effet, la communauté mondiale est de plus en plus portée à favoriser une façon intégrée d’envisager les entreprises et les finances.
« Depuis la publication du cinquième Rapport d’évaluation (RE5), on observe un intérêt croissant porté à la nécessité de coordonner les programmes internationaux auparavant indépendants, reconnaissant par le fait même que les changements climatiques, les risques de catastrophes, le développement économique, la conservation de la biodiversité et le bien-être de l’être humain sont étroitement liés. Avec des impacts généralisés sur l’économie, la société et l’environnement, la pandémie de COVID-19 qui sévit actuellement est un exemple concret illustrant la nécessité d’une telle interdépendance… » (sixième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).
Des changements s’amorcent dans le milieu de l’investissement. Les institutions financières sont désormais appelées à prendre en compte les risques en matière de biodiversité dans leurs recherches d’entreprises et de fonds dans lesquels investir. « Les investisseurs donnent la priorité aux projets et aux entreprises qui tiennent compte des facteurs ESG », révèle Patrick Lafrance, vice-président national, Écologie et EIE, chez WSP Canada. « Le moment d’investir, les sociétés de financement prennent déjà compte des risques des changements climatiques, mais la biodiversité est en passe de devenir un risque clé à considérer. Nous constatons manifestement l’intérêt croissant de certaines de ces sociétés pour l’analyse du capital naturel et de la biodiversité de leurs actifs, l’objectif étant de développer des investissements et des portefeuilles écologiques et durables ». Les investisseurs doivent s’assurer de bien comprendre rapidement l’exposition de leurs portefeuilles aux risques en matière de biodiversité, puisqu’une compréhension approfondie de ces risques en permet une gestion adéquate.
La communauté financière fait de grands progrès à l’échelle mondiale quant à la protection de la biodiversité. À titre d’exemple, le Finance for Biodiversity Pledge a été lancé en septembre 2020 et « invite les dirigeants mondiaux à s’engager à protéger et restaurer la biodiversité par leurs activités financières et leurs investissements dans la perspective de la Conférence des parties (COP 15) à la Convention sur la diversité biologique qui aura lieu en 2021 ». Porté à l’origine par 26 institutions financières, cet engagement a maintenant (en date d’août 2021) été signé par 55 signataires issus de 15 pays, ce qui représente environ 9 trillions d’Euros en actifs sous gestion. Plusieurs autres initiatives sur les thèmes de la biodiversité et des finances ont été lancées dans les deux dernières années.
Certains investisseurs mondiaux ont mis en place des normes en matière de biodiversité. Des prêteurs internationaux, comme la Société financière internationale, soit la principale institution de développement axée sur le secteur privé dans les pays émergents, ont établi des normes de performance en matière de biodiversité et exigent que les projets qu’ils financent s’y conforment. La Norme de performance 6 (Conservation de la biodiversité et gestion durable des ressources naturelles vivantes, 2012) « reconnait que la protection et la conservation de la biodiversité, le maintien des services écosystémiques et la gestion durable des ressources naturelles vivantes revêtent une importance capitale pour le développement durable. »
Cette tendance est réelle et commence à transparaitre dans l’élaboration des réglementations. En France, par exemple, le nouveau décret d’application de l’article 29 de la loi énergie-climat oblige les institutions financières à dévoiler dans quelle mesure leurs activités financières dépendent du climat et de la biodiversité, ainsi que les répercussions de leurs activités sur ces deux éléments.
Pour les institutions financières qui n’ont pas encore adopté de mesures de protection de la biodiversité au sein de leur portefeuille d’investissement, voici quelques recommandations sur les mesures immédiates à prendre.
« Premièrement, il est possible d’intégrer la biodiversité dans des politiques sur les questions d’ESG, d’établir des cibles en matière de biodiversité sur la base des meilleurs paramètres disponibles, et de divulguer ses résultats annuels en matière de biodiversité », conseille Patrick Lafrance. « Les sociétés d’investissement devraient exploiter les données fondées sur la science recueillies dans le cadre d’un large éventail d’études pour ainsi prendre des décisions éclairées en ce qui concerne leurs investissements et leurs activités et possiblement générer un rendement positif du capital investi et avoir un impact positif sur la nature. Une solution serait d’intégrer au processus décisionnel des investissements l’évaluation des répercussions de ces derniers sur la biodiversité et le respect des pratiques exemplaires internationales en matière de protection de la biodiversité et des écosystèmes. Enfin, les sociétés peuvent, et devraient, prendre part à des initiatives telles que le Finance for Biodiversity Pledge ou d’autres programmes régionaux, nationaux ou mondiaux. »
En passant à l’action, les groupes d’investissements sont en mesure de concrétiser les occasions potentielles d’investir dans les actifs de capital naturel et de biodiversité, et ainsi développer des investissements et des portefeuilles écologiques et durables. Cela leur permet également de gérer les risques pour leur réputation liés à leurs investissements et contribuer à un écosystème plus sain et une biodiversité plus riche, favorisant de la sorte une économie durable.
Vous êtes membre de la communauté financière et souhaitez découvrir la meilleure façon d’intégrer la biodiversité dans votre portefeuille? Visitez notre page Biodiversité ou communiquez avec Patrick Lafrance.
Cet article est le quatrième d’une série d’articles visant à souligner l’importance de la biodiversité au Canada :
Protéger et restaurer les écosystèmes canadiens
La biodiversité dans le secteur minier
La biodiversité dans le secteur de l’énergie