C’est l’introduction de normes de mieux-être, les normes WELL et Fitwel en particulier, qui selon John Mlade a changé la donne. « Vous pouvez axer la conception sur le mieux-être des occupants, mais il est difficile de vendre cette approche sans pouvoir faire appel à des cadres qui arriment le processus de conception, quelque chose que l’on peut montrer au client. Les normes WELL et Fitwel jouent ce rôle, et c’est ça qui a fait la différence. »
La certification WELL est offerte par l’International WELL Building Institute (IWBI), une société privée lancée en 2013. Il s’agit d’un processus très rigoureux et assez dispendieux, coûtant environ 40 000 $US par année pour un immeuble de 9 000 m2, qui comprend l’évaluation continue par un évaluateur WELL indépendant.
En plus de surveiller la qualité de la lumière, du bruit, de l’air et de l’eau dans un immeuble, l’évaluateur examine également des aspects qui tombent moins clairement dans le champ de compétence des concepteurs d’immeubles, comme les menus des cafétérias et les politiques en matière de paternité, ou les technologies portables qui surveillent l’activité et le sommeil des occupants. Certaines normes sont des conditions préalables à la certification alors que d’autres sont facultatives et permettent aux immeubles d’atteindre des niveaux de certification plus élevés, les niveaux argent, or et platine. En comparaison, Fitwel, basé aux États-Unis, est le fruit d’une collaboration entre des organismes fédéraux et des concepteurs privés. Le programme n’impose pas de conditions préalables et est plus subjectif, reposant sur la rétroaction des occupants. Il est également beaucoup moins coûteux, à environ 5 000 $US par année pour un immeuble de 9 000 m2. « Ce n’est pas aussi poussé que WELL, mais c’est beaucoup plus accessible, soutient John Mlade. WELL n’est pas à la portée de tous, et je pense que ça marchera principalement pour les immeubles de bureaux plus pointus. »
WELL semble certainement prendre son envol. Au printemps 2016, 107 immeubles totalisant 2 millions m2 avaient cette certification. À l’automne 2017, c’était 530 immeubles totalisant 9 millions m2 qui étaient en processus de certification. Mais bien que ces programmes offrent un cadre pour des conversations sur le mieux-être des occupants, ils n’expliquent pas pourquoi cette question est maintenant devenue prioritaire pour tant de propriétaires immobiliers et d’employeurs.
Comme c’est souvent le cas, l’impulsion du changement semble découler de la convergence de plusieurs tendances, comme l’explique Meike Borchers, directrice technique et spécialiste du mieux-être chez WSP : « D’abord, il y a un effet ascendant. De nos jours, les occupants – des employés – comprennent bien mieux l’incidence du milieu sur eux. Les gens sont très conscients, par exemple, des niveaux de pollution ici à Londres. En Chine, où le problème en encore plus criant, les gens paient très cher pour des lieux offrant de l’air plus propre ou filtré. »
L’usage accru des gymnases, des appareils portables, même l’engouement pour les aliments biologiques, reflètent tous notre préoccupation croissante pour la santé : « Il est donc naturel que nous portions une plus grande attention à notre milieu de travail intérieur. »
Meike Borchers mentionne que cela à une grande incidence sur les marchés concurrentiels tant pour les exploitants corporatifs que pour les employés : « L’effet descendant est le fait que, pour les propriétaires d’immeubles, le mieux-être est devenu un moyen d’attirer de grands locataires. Et pour les locataires, le fait d’occuper un immeuble conçu en fonction du mieux-être est devenu une manière d’attirer et de retenir les meilleurs employés. »
Les tendances en aménagement d’immeubles de bureaux le confirment. Les locaux à plafonds hauts offrant une ventilation naturelle sont de plus en plus prisés; le promoteur londonien Derwent a par exemple justifié un investissement supplémentaire dans sa White Collar Factory, un projet récemment achevé, qui offre des plafonds de 3,5 m, en évoquant le fait que ces immeubles se louent plus rapidement pour des loyers plus élevés.
Le mieux-être peut également être un puissant élément de différenciation dans des marchés immobiliers en croissance, mais moins bien établis. Le promoteur polonais HB Reavis vient tout juste d’obtenir la première précertification WELL « du noyau à l’enveloppe » en Europe pour la tour Varso Place à Varsovie. La tour est dessinée par Foster + Partners et, une fois achevée en 2020, sera le plus haut immeuble de Pologne, mais le promoteur a choisi de viser la norme WELL pour se démarquer encore davantage de la concurrence. « Nous savons que, pour presque tous les exploitants d’entreprises, peu importe leur taille, le recrutement et la rétention de talents et la productivité sont d’importantes préoccupations, souligne Pavel Trenka, chef de la direction chez HB Reavis. C’est pourquoi nous croyons que créer des lieux de travail qui gardent les gens en santé, heureux et pleins d’énergie est un service clé que nous devons offrir à nos clients. Cela suscite un grand intérêt auprès de clients avisés qui comprennent l’incidence qu’a un milieu de travail conçu avec soin sur leur résultat global. »