Bien que la taille du portefeuille et la date limite de soumission des offres soient susceptibles de dicter l’approche de la diligence raisonnable, les meilleurs résultats viendront de la mise en place d’un processus formel de diligence raisonnable le plus tôt possible, et avec l’aide d’experts.
Il y a beaucoup à explorer dans un processus de diligence raisonnable, mais il est essentiel que la portée et la complexité de la tâche n’entraînent pas à une approche superficielle. Une bonne diligence raisonnable signifie aller au-delà de la liste de contrôle et étudier en profondeur les questions importantes dans le temps limité dont on dispose.
Parmi l’éventail des questions à prendre en compte dans le processus de diligence raisonnable, il est essentiel que les risques en matière de santé, sécurité et environnement (SSE) figurent parmi les priorités dès le début. Il pourrait s’agir de problèmes hérités (comme la contamination du sol), de défis actuels (comme les taux élevés de blessures entraînant une perte de temps) ou des facteurs de risques futurs (comme l’exposition aux impacts climatiques ou les changements dans la réglementation ou dans les meilleures techniques disponibles [MTD]).
Si l’opération est importante, le niveau de risque ou de répercussions associé à chacun des aspects pris en compte dans le processus de diligence raisonnable est souvent aussi élevé. Cependant, l’inverse n’est pas vrai en matière de SSE : les petites opérations ne comportent pas forcément moins de risques SSE! En fait, les petites opérations qui concernent des industries mineures ou de petits sites de production peuvent présenter des risques importants, en particulier si ces actifs n’ont pas fait l’objet d’une surveillance régulière de l’autorité publique, n’ont pas bénéficié d’investissements adéquats en SSE, ou n’ont pas la compétence interne pour gérer leurs risques SSE au fil du temps.
Quelle que soit la taille de l’opération, omettre d’enquêter sur les risques SSE ou ne pas les comprendre peut avoir des conséquences significatives sur le respect et le contrôle de la réglementation actuelle et future, la sécurité et l’acceptation de la communauté, la réputation et la culture d’entreprise, ainsi que la gestion et les opérations commerciales.
Voici quatre recommandations pour vous aider à mieux gérer les risques et à éviter les surprises en matière de responsabilité :
1. Pensez à l’environnement, à la santé et à la sécurité dès le départ
Comment allez-vous déterminer s’il y a des risques pour l’environnement, la santé et la sécurité, et combien de temps ou de dépenses seront nécessaires pour les atténuer?
Il est important que les risques SSE potentiels soient clairement mis en évidence par l’équipe chargée de la diligence raisonnable de l’entreprise. Quelles sont les informations SSE qui doivent être demandées au vendeur et/ou examinées dans le domaine public (tout en sachant que cela peut varier considérablement d’un pays à l’autre)?
Une inspection de site est extrêmement importante. Bien que la documentation de l’entreprise puisse vous indiquer ses objectifs ou ceux de ses activités, ce n’est qu’en vous rendant sur le site et en observant les activités avec l’aide d’un expert que vous pourrez vous faire une idée réelle des conditions et pratiques réelles.
Si des préoccupations, des problèmes ou des incidents liés à la contamination du sol ou des eaux souterraines sont relevés au début du processus de diligence raisonnable, un certain niveau d’échantillonnage peut être possible dans le délai normal de diligence raisonnable. Même une enquête préliminaire peut contribuer à confirmer ou à réfuter une intuition ou à limiter la responsabilité potentielle.
Il convient également de noter que les questions de SSE peuvent subsister bien plus longtemps que la clause d’indemnisation la plus intelligente, qui prend généralement fin après un maximum de cinq ans. Et qu’en est-il des risques que vous n’avez peut-être pas encore identifiés? Dans le cas de l’amiante qui n’a pas encore été découvert, par exemple, l’opération pourrait ne pas tenir compte des risques futurs importants, comme les programmes de réduction nécessaires ou l’obligation coûteuse de mettre l’actif hors service, sans parler du risque de réclamations collectives de la part de travailleurs qui pourraient avoir été exposés.
2. Examinez les risques sous divers angles
Il est essentiel d’envisager la responsabilité en matière de SSE sous plusieurs angles. Bien qu’il soit important d’estimer le coût en tenant compte du rapport dépenses d’investissement/coût d’exploitation (CAPEX/OPEX) pour éliminer les problèmes, le coût n’est certainement pas le seul facteur en jeu. Quelles sont les répercussions potentielles sur votre communauté locale et votre environnement, la marque et la réputation de votre organisation, ainsi que sur la croissance future ou la valeur marchande?
Par exemple, l’acquisition d’une usine pharmaceutique peut nuire à la réputation de l’entreprise si elle est perçue, à tort ou à raison, comme ayant une incidence négative sur la santé humaine ou l’écologie locale, même si l’usine est pleinement en conformité avec les lois de sa juridiction. Une acquisition fondée sur l’espoir d’une augmentation de la capacité de production peut être compromise lorsqu’on se rend compte que l’usine est située dans une zone de source d’eau souterraine qui empêche toute augmentation future de la production.
Qu’en est-il d’une acquisition de friches industrielles fondée sur la réhabilitation et le développement résidentiel? Si la délivrance de permis et le nettoyage sont susceptibles d’être prolongés, l’opération pourrait essuyer des retards et des perturbations considérables, entraînant une perte de valeur marchande; et la dévalorisation pourrait même réduire les flux de revenus pendant des décennies.
L’évaluation de ces risques peut parfois être propre à un endroit donné, il est donc extrêmement important de demander conseil à un professionnel local pour éclairer votre prise de décision, plutôt que de vous fier à la sagesse universelle.
3. Soyez pragmatique et essayez de relativiser
En fin de compte, tous les risques ne peuvent pas être anticipés ou évités, même en appliquant le processus de diligence raisonnable le plus rigoureux. Un certain niveau d’acceptation des risques est nécessaire pour toute entreprise. Il faut trouver un équilibre entre la prudence et la confiance, afin que l’incertitude et l’aversion au risque ne mènent pas à une stratégie d’appel d’offres trop conservatrice, ce qui pourrait compromettre l’opération.
Une approche pragmatique pèse à la fois la gravité et la probabilité. Par exemple, dans quelle mesure est-il raisonnable de résoudre de manière proactive un problème qui a peu de chances de se produire et qui est très coûteux à gérer? Quel est le risque encouru si l’on reporte la résolution de ce problème? Quel est votre seuil d’importance relative?
Si certains risques ne peuvent pas être quantifiés avant la conclusion de la transaction, une autre solution peut consister à les protéger avec des mécanismes post-conclusion. Il se peut que le vendeur de l’actif soit déjà conscient des problèmes (ou même qu’il ait pris des mesures) et qu’il puisse atténuer les risques de manière plus rentable. Des mécanismes tels que les dépôts fiduciaires, les garanties ou les indemnités donneraient au vendeur plus de temps pour résoudre ces problèmes avant de remettre les actifs à l’acheteur.
Afin de relativiser les questions de SSE et de soutenir les processus de décision financière, il convient de demander une évaluation des risques SSE par un expert qui précisera les coûts associés ainsi que l’échéancier de ceux-ci. Ce n’est qu’à ce moment-là que les allocations financières des coûts d’atténuation peuvent être estimées en fonction des conditions et des références connues de l’industrie.
4. Anticipez les contraintes et l’exposition liées au climat4. Anticipate climate-related obligations and exposure
Il ne fait aucun doute qu’au cours des prochaines décennies, le changement climatique constituera l’une des plus importantes menaces à la durabilité et à la continuité des entreprises. Les modèles d’entreprise devront être transformés, non seulement pour réduire au minimum les impacts environnementaux négatifs, mais aussi pour se préparer et faire face aux changements des conditions environnementales. Parmi les impacts typiques, citons la modification des diagrammes de température, l’altération de la disponibilité ou de la rareté de l’eau, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des tempêtes et des inondations ou l’effet de ces phénomènes sur la chaîne d’approvisionnement. Une compréhension précoce de la vulnérabilité d’un actif cible vis-à-vis de tels risques et de son niveau de préparation aidera à gérer le risque et à communiquer un message fort sur la culture et l’engagement d’une entreprise en faveur de la durabilité.
Pour les fusions et acquisitions impliquant des institutions financières, l’examen des lignes directrices de pratique du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques parrainé par le G20 peut être utile pour évaluer les risques liés au climat.
Pour toute opération de fusion-acquisition, il est toujours prudent de connaître d’emblée les risques et d’élaborer l’offre, le contrat de vente et d’achat ainsi que la stratégie d’affaires/d’investissement de manière à ce qu’ils puissent s’adapter aux occasions et risques potentiels. La prise en compte de vos risques SSE par le biais de la diligence raisonnable est une activité cruciale pour bien conclure l’opération; et puisque nous nous efforçons d’assurer un avenir plus sûr et plus durable, elle n’a jamais été aussi importante.