Les réalisateurs hollywoodiens connaissent bien le drame et la terreur qui s’ensuivent lorsqu’on oppose la puissance impressionnante et invincible du monde naturel à la petitesse humaine. Les nouvelles de fin de soirée inspirent souvent le contenu de ces films. Les glissements de terrain, les séismes, les volcans, les tsunamis et les inondations font continuellement partie de l’existence humaine.
En raison des conséquences désastreuses des catastrophes naturelles sur les vies humaines, l’économie, l’environnement et les constructions, l’investissement dans la résilience est non seulement important, mais également urgent. Les infrastructures résilientes protègent les vies et les moyens de subsistance en plus d’aider à rétablir l’économie après une catastrophe. La résilience des infrastructures et leur niveau d’exposition aux aléas naturels intéressent de plus en plus l’industrie des assurances puisque les primes de leurs polices en tiennent compte.
L’étude et la compréhension des dangers naturels qui pourraient frapper les infrastructures nouvelles ou existantes sont plus que stratégiques, elles sont essentielles à l’évaluation et à la gestion du risque sociétal.
Compréhension des géorisques
Le terme « danger » fait référence à une condition ou à un phénomène ayant le potentiel de causer des dommages ou des conséquences indésirables. Lorsque nous utilisons le terme « géorisque », nous parlons autant de conditions naturelles que de celles de source humaine qui découlent de processus hydrologiques, géologiques et géotechniques, tels que les inondations, les tsunamis, les séismes, les éruptions volcaniques, les glissements de terrain, les affaissements de surface, l’élévation du niveau de la mer, etc. (Bien sûr, il existe d’autres aléas naturels tels que les feux de forêt, les tempêtes et les sécheresses, mais ceux-ci ne relèvent pas de la portée en question ici.)
Les séismes sont un exemple de phénomène naturel qui entraîne bon nombre de géorisques. Les séismes de grande magnitude comportent un danger de fortes secousses du sol et sont parfois associés à un danger de rupture de failles en surface qui déplace et déforme le sol. Ce danger de fortes secousses du sol cause un ensemble de géorisques tels que la liquéfaction du sol; des seiches dans les lacs, les étangs et même les piscines; des glissements de terrain; et l’endommagement de bâtiments ou d’autres structures. Pour décrire le risque sismique, il faut comprendre l’intensité des secousses du tremblement de terre, les types de phénomènes qu’il génère et ses effets dans la zone d’intérêt.
Les géorisques sont caractérisés de différentes façons, mais en général, le processus de caractérisation commence par un exercice d’examen préalable des géorisques afin de déterminer les dangers qui pourraient frapper un site. Ces renseignements sont nécessaires pour mieux comprendre la probabilité et l’intensité de ces géorisques.
Cette compréhension exige l’expertise de plusieurs professions, mais l’identification des géorisques est une spécialité des ingénieurs géologues. D’autres professionnels, tels que des ingénieurs en géotechnique, des géophysiciens, des sismologues et des hydrologues, peuvent entreprendre des études plus détaillées de dangers particuliers.
Évaluation et gestion des risques liés aux géorisques
Du point de vue de l’ingénierie, il existe deux définitions du risque pertinentes, mais différentes :
- Le risque est la combinaison de la probabilité d’un danger et de ses conséquences. Celles-ci peuvent être liées à l’économie, à l’environnement, à la réputation ou à des menaces à la vie.
- Le risque est l’effet de l’incertitude sur les objectifs.
Ces deux définitions peuvent être jointes pour décrire le risque technique comme étant la probabilité de sinistre en fonction de la compréhension de la probabilité et des conséquences d’un danger ou de plusieurs dangers.
Les propriétaires ou les promoteurs d’infrastructures de valeur élevée ou dont la défaillance entraînerait de graves conséquences doivent se doter de plans de gestion qui comportent une évaluation qualitative des risques liés aux géorisques au début du projet, souvent dans le cadre de l’étude de faisabilité. Les infrastructures de valeur élevée comprennent les pipelines d’hydrocarbures et leurs installations connexes, les centrales nucléaires et leurs installations connexes, les barrages-réservoirs, les installations pour résidus miniers, les ports, les aéroports et les bâtiments importants en cas de catastrophe (p. ex. les hôpitaux).
L’approche en matière de gestion des risques varie entre les ressorts et les industries : certains projets sont plus réglementés que d’autres.
Le processus d’évaluation des risques liés aux géorisques adopte généralement une approche graduelle conçue pour comprendre et décortiquer ces risques relativement à l’ingénierie et au commerce.
La portée d’un rapport d’évaluation des risques liés aux géorisques peut varier, mais les éléments essentiels devraient comprendre l’identification de dangers potentiels (menaces) et une évaluation qualitative ou quantitative des risques de chaque danger. Le rapport devrait également indiquer les différents niveaux d’évaluation supplémentaire requis pour améliorer la compréhension des géorisques, ou les mesures qui pourraient permettre de réduire la probabilité, les conséquences et les incertitudes.
Dans certains cas, lorsque des dangers importants sont identifiés, des études spécialisées sont entreprises pour réduire l’incertitude au sujet de la probabilité et de l’intensité des conséquences du danger afin de réduire par le fait même l’incertitude de ces conséquences. De plus, la réduction de ces dernières est possible grâce à la mise au point de mesures d’atténuation et à leur analyse.
Après l’examen et la détermination des mesures de réduction ou d’atténuation des risques, le propriétaire ou le promoteur du projet aura habituellement besoin de quelques conseils pour comprendre ses options et choisir la meilleure marche à suivre.
Le processus ne s’arrête toutefois pas ici. Il ne faut pas considérer l’évaluation et la gestion des risques comme des étapes ponctuelles qu’il suffit de rayer de la liste. L’approche en matière de gestion des risques de toute organisation devrait suivre un modèle d’amélioration continue qui comporte des réévaluations périodiques.
Mise en pratique de la théorie
Pour rendre plus tangible cette discussion théorique au sujet de l’évaluation et de la gestion des risques, examinons l’exemple d’un bâtiment de services d’urgence prévu dans une petite ville de la Nouvelle-Zélande. Pour l’aménagement de cette installation, trois propriétés sont envisagées. Une évaluation des géorisques de chacun des trois sites est effectuée.
Un site se situe au niveau de la mer et pourrait être frappé par un tsunami. Le deuxième site se trouve près d’une rivière où les inondations sont fréquentes. Le troisième site, localisé à 30 mètres de sable lâche et de limon, est exposé à un important danger de liquéfaction causée par des séismes régionaux. Une première analyse révèle qu’une atténuation du danger de liquéfaction sur le site est possible au moyen de techniques d’ingénierie destinées à l’amélioration du sol. On opte donc pour l’achat du troisième site.
Quelles sont les prochaines étapes?
Il faut d’abord quantifier la charge sismique pour permettre à l’équipe de conception structurale et géotechnique de commencer ses travaux. Le calcul des charges sismiques consiste à réaliser une analyse probabiliste de l’aléa sismique sur une plateforme infonuagique pour établir la charge sismique selon différentes probabilités (p. ex. la probabilité annuelle de dépassement dans le cas présent) et comprendre l’incertitude associée aux estimations.
Ensuite, il faut évaluer le degré de probabilité de liquéfaction et concevoir l’amélioration technique du sol afin d’atténuer ce danger de liquéfaction causée par les séismes. Des études géotechniques et des auscultations géophysiques du sol local sont entreprises pour jeter les bases d’une analyse géotechnique (analyse de la réponse sismique du sol) dans le but de comprendre la façon dont le sol pourrait réagir en cas de séisme. L’analyse géotechnique inclut les incertitudes liées au comportement du sol, au mouvement sismique et au rendement des mesures correctives mises en œuvre pour l’amélioration du sol. Il s’agit d’un processus itératif qui vise à déterminer un niveau d’amélioration du sol conforme au code du bâtiment local, et dont le coût et le rendement seront optimaux.
Finalement, une étude hydrologique est nécessaire pour évaluer les niveaux de plancher appropriés qui permettront d’éviter l’inondation des eaux de crue, respecter la réglementation locale et satisfaire aux exigences de l’installation.
Le bâtiment de services d’urgence est construit de façon à répondre à des critères de risque acceptable. Il n’est pas conçu pour résister à une catastrophe naturelle – rien ne l’est. Par contre, les études et la conception tiennent compte des meilleures connaissances disponibles au sujet des dangers liés aux séismes et aux inondations, y compris les incertitudes importantes concernant où et quand un tremblement de terre aura lieu, pour ériger un bâtiment qui répondra aux exigences opérationnelles après un séisme. Puisque de nouveaux renseignements verront le jour, les risques liés aux géorisques pour le bâtiment de services d’urgence seront réévalués tous les cinq ans afin de vérifier qu’il continue de satisfaire aux exigences opérationnelles basées sur les risques.
Prise de bonnes décisions
La prise de décisions fondées sur les risques est le fondement le plus éclairé et justifiable pour vos choix et mesures, ainsi que la meilleure marche à suivre pour réussir. S’appuyant sur une compréhension informée de la probabilité et des conséquences, une approche de prise de décision en fonction des risques peut révéler la solution optimale destinée à atteindre un niveau de risque acceptable.
Ce sont encore « vos risques », mais avec le soutien adéquat, vous pouvez mieux les comprendre et les gérer.
A propos de l'auteur
Jeff Fraser, Ph. D., est associé principal, ingénieur géologue et partenaire chez WSP* à Christchurch, en Nouvelle-Zélande. Il possède plus de 15 années d’expérience en identification et évaluation des géorisques pour des projets d’évaluation des risques et d’ingénierie en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Europe, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, en Amérique du Nord et en Antarctique. Son principal domaine d’expertise est l’évaluation des dangers liés aux séismes; il a mené des études de caractérisation et de cartographie de failles ainsi que des études probabilistes des dangers sismiques pour une vaste gamme d’industries (bâtiments urbains, mines, pétrole et gaz) et un éventail de projets de production d’énergie. Il a participé au rétablissement de Christchurch après les séismes de 2010 et 2011 ainsi qu’à l’intervention et au rétablissement après le tremblement de terre de 2016 à Kaikoura. Jeff utilise ses connaissances et son expérience des catastrophes naturelles pour aider les clients à prendre des décisions fondées sur les risques relativement à leurs infrastructures existantes et proposées.
Darren Paul est associé principal, ingénieur géologue et partenaire chez WSP* à Melbourne, en Australie. Il possède plus de 20 années d’expérience en gestion d’études géotechniques pour les bâtiments, les routes, la chaussée et d’autres infrastructures. Il a conçu des modèles de terrain et entrepris l’évaluation de dangers liés au sol, notamment les glissements de terrain. Tout au long de sa carrière, Darren a participé à des évaluations de la stabilité des pentes pour diverses applications, dont la planification urbaine, les routes, les chemins de fer, les côtes et les pipelines. Ancien président national de l’Australian Geomechanics Society, il est actuellement gestionnaire et instructeur de son cours sur les techniques pratiques d’évaluation des glissements de terrain. Il est également actif au sein de la communauté d’évaluation des glissements de terrain en Australie.
* Ce travail a été effectué par des professionnels de Golder qui se sont joints à WSP dans le cadre d’une acquisition complétée en 2021.