Que sont les jumeaux numériques et pourquoi sont-ils importants pour les projets d’infrastructures?
Thomas Coleman : Un jumeau numérique est la réplique numérique d’un actif qui intègre les données associées à cet actif en temps réel pendant son fonctionnement. Cela permet de visualiser de manière immersive et intégrée des données qui étaient auparavant cloisonnées et d’utiliser des techniques d’analyse numérique modernes, comme le suivi de l’état de l’actif et les analyses prédictives afin de planifier le fonctionnement continu des infrastructures. Par exemple, en 2015, WSP a mis en place la première phase d’un jumeau numérique à Chicago dans le cadre du projet de train express de l’aéroport O’Hare. Cette phase a permis d’analyser de multiples axes ferroviaires grâce à un modèle en 3D afin de mieux comprendre et d’optimiser les facteurs des axes express menant à l’aéroport international O’Hare.
Qu’il représente une ville toute entière, un pont, une autoroute, un immeuble, un site comprenant plusieurs bâtiments ou encore un aéroport, le jumeau numérique permet de prendre des décisions éclairées dans l’ensemble du cycle de vie d’un actif. L’objectif final est de créer un système de jumeaux numériques interconnectés pour les infrastructures d’une ville, d’une région ou d’une nation, comme l’a imaginé le Royaume-Uni, par exemple.
En quoi les jumeaux numériques améliorent-ils la modélisation des données du bâtiment (BIM)?
Thomas Coleman : La modélisation des données du bâtiment (BIM) est un processus basé sur la modélisation 3D qui est utilisé pour planifier, concevoir, construire et gérer les infrastructures. On peut utiliser la modélisation des données du bâtiment (BIM) et un jumeau numérique pour créer un environnement de travail collaboratif de sorte que les équipes de projet et les principaux intervenants puissent visualiser toutes sortes de données sur le projet, dès le départ, à partir d’une base de connaissances commune. Les deux processus contribuent ainsi aux divers aspects de développement du projet. Toutefois, la BIM n’est pas conçue pour tenir compte de la réponse opérationnelle en temps réel. Le jumeau numérique, oui. En quelque sorte, le jumeau numérique est un BIM de nouvelle génération.
Le jumeau numérique appliqué aux infrastructures peut être constamment mis à jour au moyen d’un grand nombre de données provenant de différentes sources, ce qui permet d’améliorer les tests des scénarios hypothétiques, d’analyser l’interdépendance des multiples systèmes et de simuler les risques et les vulnérabilités. Tout cela dans le but de renforcer la résilience de l’actif.
Quels outils sont en mesure de prendre en charge la collecte de données des jumeaux numériques?
Thomas Coleman : Les satellites, les avions, les drones, les capteurs et les dispositifs robotisés sont quelques-uns des outils géospatiaux qui permettent maintenant d’obtenir une cueillette de données automatisée, en continu et avec un bon rapport coût-bénéfice, et ceci, bien mieux qu’on ne le ferait manuellement. En général, le jumeau numérique est, au départ, le modèle BIM statique en 3D d’un actif d’infrastructures. Les drones munis d’un lidar peuvent servir à créer un modèle en nuage de points 3D et à accélérer la création d’un modèle de jumeau numérique en 4D afin d’appliquer la dimension du temps, la visualisation immersive et les données de l’apprentissage machine.
Le potentiel d’utilisation des jumeaux numériques est de plus en plus grand. La crise causée par la COVID-19 a démontré que les jumeaux numériques permettent de simuler le déplacement des gens dans les bâtiments, les gares et les autres lieux publics et d’analyser en profondeur les risques sanitaires situationnels, ce qui en fait des outils indispensables pour la planification et la conception d’infrastructures.
Au-delà du développement d’infrastructures, quels sont les autres avantages des jumeaux numériques?
Thomas Coleman : D’après notre expérience de déploiement de jumeaux numériques pour des projets mondiaux, l’utilisabilité accrue des données, grâce aux techniques géospatiales, aux mégadonnées, à la modélisation 3D et à l’infonuagique, permet d’améliorer la productivité et de réduire les coûts. Ces avantages sont tirés de l’analyse de la performance des processus et des actifs, des relevés des enjeux et de l’application de l’intelligence artificielle pour réaliser des analyses prédicatives pendant le cycle de vie d’un projet d’infrastructures.
La facilité et l’efficacité de la collecte des mégadonnées et de l’utilisation de l’Internet des objets accentuent le besoin de bien gérer les données pour optimiser la valeur des données procurées par un jumeau numérique.
Vous avez mentionné plus tôt que les jumeaux numériques offrent une perspective intégrée qui permet de prendre des décisions éclairées. En quoi ces décisions peuvent-elles contribuer à obtenir des résultats durables pour les communautés?
Thomas Coleman : En démontrant bien l’écosystème ou le système complexe d’éléments interconnectés et interdépendants que constituent les infrastructures, ces données permettent à ceux qui planifient, conçoivent et mettent en œuvre des projets de tenir compte de plusieurs facteurs et de leurs effets sur les infrastructures elles-mêmes, ainsi que sur l’environnement et l’ensemble d’une communauté. Les intervenants clés peuvent ensuite partager leurs recommandations et prendre de meilleures décisions pour concevoir, bâtir et exploiter un actif d’infrastructures et ainsi procurer des avantages durables à la société.
1 Université de Cambridge, Centre for Digital Built Britain, The Gemini Principles (en anglais seulement)