Les coûts associés aux changements climatiques augmentent nettement. À l’échelle mondiale, on estime que les émissions de gaz carbonique (CO2) s’élèveront à 50 milliards de tonnes par année d’ici 2050 et que leur coût social médian atteindra 417 $US par tonne de CO2 (en anglais seulement), pour un total de 21 000 milliards.
Au Canada, la facture risque d’être encore plus salée qu’ailleurs. Effectivement, le climat du pays se réchauffe deux fois plus rapidement que la moyenne mondiale selon un rapport de 2019 d’Environnement et Changement climatique Canada, et l’Arctique canadien, trois fois plus vite. Il faudra donc relever de grands défis, très hétérogènes vu la diversité de nos paysages : la hausse du niveau de la mer et ses conséquences sur les côtes, les inondations causées par les débordements de rivières, les glissements de terrain, les tempêtes de verglas, les tornades, les feux de forêt et la fonte du pergélisol, pour ne nommer que ceux-là.
Depuis peu, des gouvernements provinciaux (p. ex. en Ontario et au Nouveau-Brunswick) s’attendent à ce que les études d’impact sur l’environnement (EIE) prennent en considération les changements climatiques, une tendance mondiale observée entre autres en Australie, au Royaume-Uni et ailleurs en Europe. En 2018, le gouvernement québécois a publié une annexe à ce propos dans la Loi sur la qualité de l’environnement (Loi Q-2, article 31.3), exigeant que les EIE indiquent la contribution des projets aux changements climatiques (p. ex. par leurs émissions de gaz à effet de serre (GES)) et, inversement, les répercussions des changements climatiques sur les projets (p. ex. la hausse du niveau de la mer dans le cas d’une route côtière). Si le premier point est généralement encadré par des normes internationales relatives aux émissions de GES (comme ISO 14064), le second manque souvent de lignes directrices claires. Sans elles, les consultants et autres intervenants doivent se débrouiller comme ils peuvent afin d’évaluer les conséquences des changements climatiques sur un projet donné et de les intégrer dans leur EIE. Quelles stratégies permettraient donc de respecter et de dépasser efficacement cette exigence gouvernementale dépourvue de cadre formel?
Intégration des renseignements sur les changements climatiques
Les spécialistes des changements climatiques de WSP participent à des EIE à l’échelle locale et internationale pour des projets variés (y compris des mines, des décharges et des lignes de transport d’électricité) dans des environnements diversifiés allant de l’Arctique à la savane africaine.
Notre approche d’analyse des impacts des changements climatiques a été élaborée en fonction de notre expérience de l’Optique des changements climatiques (à respecter pour obtenir du financement d’Infrastructure Canada), et du protocole du Comité sur la vulnérabilité de l’ingénierie des infrastructures publiques (CVIIP) (établi par Ingénieurs Canada pour évaluer la résilience aux changements climatiques des infrastructures). Cette approche nous permet de respecter les exigences gouvernementales, d’aborder stratégiquement les conséquences des changements climatiques en l’absence de cadre réglementaire et d’intégrer la résilience à ces changements dans nos projets.
À la fin de sa première année de pratique, notre équipe a établi les cinq actions clés pour incorporer efficacement dans une EIE l’information sur les effets des changements climatiques.
1) Comprendre les impacts attendus des changements climatiques dans une région donnée
Les normes et les codes sont définis en fonction des conditions climatiques passées. Or, l’aggravation à venir de celles-ci risque d’augmenter la vulnérabilité des bâtiments et infrastructures actuels et de créer de nouveaux points faibles. La prise en considération des futures répercussions des changements climatiques dans une EIE vient compliquer la tâche. Il faut donc absolument faire comprendre ces répercussions à toutes les parties concernées afin qu’elles comprennent l’importance de s’assurer qu’un projet sera résilient aux changements climatiques. Pour ce faire, nous leur montrons les tendances selon les grandes variables relatives au climat et leur expliquons comment nous gérons les incertitudes, entre autres en ce qui concerne les futures émissions de GES ou les possibles modèles de climat (Charron, 2014).
2) Adopter une approche multidisciplinaire
Les changements climatiques peuvent avoir un impact non seulement sur des composantes des infrastructures d’un projet, mais aussi sur les gens, l’économie et l’environnement. Chez WSP, nos équipes incluent dans leurs évaluations des risques l’expertise d’ingénieurs, d’architectes, d’urbanistes, de spécialistes des systèmes d’information géographique (SIG) et d’écologistes pour que rien ne leur échappe et pour tenir compte de tous les aspects interreliés.
3) Faire participer les intervenants et les concepteurs à l’évaluation de la gravité des menaces climatiques et des niveaux des risques correspondants
Une des leçons que nous avons apprises de nos analyses précédentes, c’est que la résilience aux changements climatiques est souvent intrinsèque au projet, que ce soit dans la conception, les pratiques de gestion ou les plans d’urgence. Il faut discuter avec les intervenants de l’apparition et de la gravité probables des conséquences des changements climatiques ainsi que des solutions déjà en place pour les limiter. Cette étape est essentielle si l’on veut offrir des recommandations utiles et applicables.
4) Mettre l’accent sur les occasions
Bien que souvent dévastateurs, les changements climatiques peuvent avoir du bon pour les projets. La prolongation de la saison chaude favorisera probablement la production de biomasse au-dessus d’une décharge, ce qui protégera mieux le site. La hausse de la température annuelle dans le nord du Canada ou dans d’autres régions aux hivers rigoureux rallongera potentiellement la période d’exploitation. La résilience aux changements climatiques a autant à voir avec la réduction des vulnérabilités qu’avec la capacité à tirer parti de la situation.
5) Ne pas oublier que le rapport sera utilisé lors des consultations publiques
Après la soumission de l’EIE, le gouvernement provincial entame les consultations publiques pour chaque projet. En tant qu’experts des changements climatiques, il est de notre responsabilité d’indiquer des renseignements aussi détaillés et exacts que possible dans nos évaluations des risques. La perception de ces derniers varie toutefois d’un groupe ou d’une personne à l’autre. La formulation et les mots utilisés dans les évaluations des conséquences des changements climatiques peuvent largement influer sur l’acceptabilité sociale d’un projet. Nous avions par exemple d’abord établi une échelle de gravité des effets des changements climatiques qui utilisait les termes Mineure, Significative, Sévère, Critique et Extrême. Nous avons ensuite adopté les termes moins sensationnalistes Très faible, Faible, Moyenne, Élevée et Très élevée proposés dans l’Optique des changements climatiques d’Infrastructure Canada.
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Tenir compte des effets des changements climatiques dans une EIE devrait devenir et deviendra la norme aux niveaux provincial, national et international, ce qui contribuera à améliorer la résilience des projets et des communautés environnantes. C’est avec joie que les spécialistes en changements climatiques de WSP participent à la conception de nouvelles approches en harmonie avec le programme Conçu pour l’avenir de l’entreprise, donnent aux clients les moyens de réduire les répercussions des changements climatiques sur leurs projets et contribuent à bâtir un avenir plus durable.
Bibliographie
Charron, I. (2014). A Guidebook on Climate Scenarios: Using Climate Information to Guide Adaptation Research and Decisions. Ouranos, 86 pages.
Ricke, K.; Drouet, L.; Caldeira, K. et Tavoni, M. (2018). Country-level social cost of carbon. Nature Climate change, 8(10), 895 pages.