Dans les mois précédant la COP26, les engagements en matière de changement climatique aussi grands qu’audacieux se sont multipliés de la part des gouvernements, des entreprises et des investisseurs. Mais une question se pose : ces cibles sont-elles assez ambitieuses et quelles incidences auront-elles? Comment saurons-nous si ces engagements nous permettront d’atteindre notre objectif de ne pas dépasser 1,5 °C de réchauffement?
La réponse, évidemment, est la science. Établir des cibles provisoires basées sur la science et faire preuve de transparence sont des éléments clés pour une réduction des émissions mesurable et durable.
Tous les engagements de réduction des émissions ne sont pas fondés sur la science. En d’autres mots, certaines cibles sont irréalisables ou auront une incidence négligeable sur la réduction des émissions. Les objectifs et engagements « net zéro » établis par les entreprises, mais non approuvés par l’initiative Science Based Targets (SBTi) ont tendance à échouer pour différentes raisons. En premier lieu, ils ne permettent pas d’atteindre la cible de réduction des émissions d’ici 2030 ou 2050. Puis, ils ne tiennent pas compte des émissions de catégorie 3 ou ils dépendent fortement de la compensation carbone, auquel cas ils n’auront aucun effet sur la carboneutralité absolue et, par ailleurs, ne sont pas approuvés par la SBTi.
Dans ce cas, comment savoir si les cibles sont fondées sur des données scientifiques?
Tout d’abord, il faut consulter le site Web de la SBTi (en anglais) : si une entreprise a pris des engagements ou précisé des cibles fondées sur la science, son nom devrait figurer dans la liste (sauf si la demande est très récente). Une entreprise a annoncé des cibles, mais ne figure pas dans la liste du site Web? Comment pouvons-nous nous assurer que ces cibles sont fondées sur la science, y sont conformes ou en sont inspirées? En principe, toutes les entreprises ont le droit d’employer ces termes. La SBTi a établi son propre processus d’approbation, et il n’est pas recommandé de déclarer que vos cibles sont « fondées sur des données scientifiques » sans cette approbation. Or, cela n’empêche aucune entreprise de coller l’étiquette « fondé sur la science » sur ses engagements et de le mentionner dans ses communiqués de presse.
Voici d’autres moyens de savoir si des cibles sont véritablement basées sur des faits scientifiques :
- Vérifiez l’année de référence : Vérifiez si les années de référence remontent à trop loin dans le passé. Un écart de cinq ans par rapport à l’année de référence est le maximum permis par la SBTi. (Lien en anglais) Par exemple, une cible de diminution de 30 % d’ici 2030 prise en 2011 ne passera pas le test à la SBTi, et ce, pour une bonne raison : les entreprises doivent faire état de leurs actions récentes et futures. Par exemple, de nombreuses entreprises en Ontario pourraient atteindre ces cibles simplement en éliminant le charbon dans l’alimentation de son réseau électrique.
- Vérifiez l’année cible : La SBTi exige que les cibles provisoires couvrent un minimum de 5 ans et un maximum de 15 ans à partir de l’année de référence, le maximum devant être réduit à 10 ans en juillet 2022. Ceci vise à encourager la prise de responsabilité envers les cibles provisoires, en particulier parce que les émissions doivent être réduites de moitié d’ici 2030 pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Par exemple, une réduction de 30 % de 2019 à 2040 serait un délai trop long. Aussi, une période comprise entre 2021 et 2040 offrirait beaucoup de temps pour retarder l’action.
- Vérifiez le pourcentage de réduction : À partir de juillet 2022, le seul pourcentage de réduction conforme aux règles de la SBTi sera d’au moins 4,2 % annuellement.
- Portez attention aux cibles d’intensité sans valeur absolue. Les cibles d’intensité représentent la réduction des émissions par rapport à la productivité ou aux résultats économiques, par exemple, les tonnes de CO2 par million de dollars de produit des ventes. Les cibles d’intensité pour les émissions de catégorie 1 et 2 ne sont admissibles que lorsqu’elles sont modélisées selon une évolution approuvée du secteur de 1,5 °C, applicable aux activités des entreprises. Recherchez des chiffres absolus. Pas de cible absolue? Usez de scepticisme et vérifiez la méthodologie employée pour obtenir ce résultat. Pas de méthodologie? Méfiez-vous.
De nombreuses entreprises ont présenté des cibles aux fins de validation par la SBTi, particulièrement à l’approche de la COP26. La SBTi est tellement débordée par l’approbation de ces cibles que les demandes n’obtiendront réponse qu’en 2022. Bien qu’il s’agisse d’un signal extrêmement positif pour le secteur privé, il convient de demeurer sceptique quant aux déclarations publiques de cibles « fondées sur la science » ne portant pas le sceau d’approbation de la SBTi.