Tandis que la COP27, qui se déroule en Égypte en novembre 2022, porte sur les changements climatiques, la COP 15, elle, vise à protéger la nature en mettant l’accent sur la biodiversité.
Pour comprendre ce qu’il faut attendre de la COP 15, il est bon d’avoir une idée définie de ce qu’est la biodiversité et des raisons de son importance.
La biodiversité est la trame de la vie. Il s’agit de l’ensemble des formes de vie (plantes, animaux, micro-organismes, écosystèmes et humains) qui interagissent les unes avec les autres et avec l’air, l’eau et le sol qui les entourent. Façonnée au gré des périodes glaciaires, des feux et des interactions entre espèces, la planète subit à présent une transformation progressive sous l’influence des êtres humains. La biodiversité soutient la résilience écologique : plus il y a de diversité, plus l’écosystème peut être résilient. Mesurer les indicateurs de la biodiversité et en faire le suivi permet de comprendre dans quelle mesure un écosystème fonctionne correctement et de s’assurer que celui-ci est sain et peut nous procurer les bienfaits de la nature pour qu’à notre tour, nous soyons aussi en bonne santé.
Cinq facteurs clés à considérer pour la COP 15

Plus de trois décennies de conférences COP nous ont amenés à la COP 15 qui a lieu cette année. La dernière remonte à 2018. C’est un événement particulièrement crucial, puisqu’après la COVID, l’attention s’est tournée vers la compréhension du rôle que joue la nature dans notre société. Voici les grands sujets de discussion, et les résultats, qui devraient être mis en avant lors des rencontres :
1. Un Cadre mondial de la biodiversité pour fixer des cibles
Un nouveau Cadre mondial de la biodiversité sera proposé afin de fixer de nouvelles cibles pour cette décennie. Celles-ci devaient être définies en 2020, mais la COVID a entraîné un retard de deux ans. Aucun des objectifs précédemment fixés en 2010 à Nagoya, au Japon (nommés les objectifs d’Aichi), n’a été atteint. De l’avis général, il est nécessaire de déployer plus d’efforts dans tous les secteurs de la société pour établir des cibles ambitieuses et les atteindre.
On peut considérer ce cadre comme un « Accord de Paris » pour la nature : une occasion où le monde se rassemble pour s’engager à créer un avenir meilleur. Le vrai Accord de Paris fut crucial pour fixer l’objectif de contenir le réchauffement climatique entre 1,5 et 2 degrés, et l’on s’attend à ce que le Cadre mondial de la biodiversité qui sera établi pendant cette COP en soit l’équivalent. Une des différences entre ces deux événements viendra du fait que, pour la COP 15, l’objectif en faveur de la nature sera plus nuancé, en raison de la complexité de la nature et de l’impossibilité de définir une seule et même mesure que nous pouvons tous suivre. Les parties devront s’entendre sur 22 cibles.
2. Une nouvelle mission phare : créer « des effets positifs pour la nature »
L’idée de créer un monde qui aurait des « effets positifs pour la nature » et permettrait d’arrêter et de renverser les tendances actuelles de la perte de la biodiversité au profit du bien-être des humains et de la planète devrait devenir la nouvelle norme.
On peut l’envisager comme la version de la carboneutralité pour la nature en termes de ce qu’il faut accomplir et voir la mission phare de cette COP 15 comme un « objectif général en faveur de la nature ».
La COP 15 montre qu’il est nécessaire d’obtenir un gain net, c’est-à-dire non seulement d’atténuer et de compenser les incidences négatives, mais aussi de renverser le déclin de la biodiversité et d’établir une trajectoire pour revenir à un niveau de biodiversité ayant déjà existé. Les points à aborder restent à peaufiner, mais l’objectif consiste essentiellement à ne pas enregistrer de perte nette d’ici 2030 et à retrouver un environnement naturel entièrement fonctionnel d’ici 2050.
3. QU’EST-CE QUE L’OBJECTIF 15 IMPLIQUE POUR LES ENTREPRISES
L’objectif 15 (sur 22) est d’une importance cruciale pour les entreprises. Le texte provisoire stipule comment toutes les grandes entreprises et institutions financières doivent évaluer leurs incidences et dépendances vis-à-vis de la nature. Elles doivent chercher à réduire les impacts négatifs et à accroître les impacts positifs au sein même de leurs activités, de leurs chaînes de valeur et de leurs portefeuilles. Il est aussi question de rendre obligatoire la divulgation de ces incidences et dépendances.
Dans le cadre de leur collaboration, des entreprises telles que Business for Nature et Capitals Coalition demandent à ce que l’objectif 15 devienne une référence pour uniformiser les règles et fournir des directives claires et constantes aux entreprises qui œuvrent partout dans le monde.
4. Le rôle clé DU FINANCEMENT
La finance sera à l’honneur pour ce qui est de restaurer la nature, tout comme l’a été le financement climatique lors de la récente Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). La raison est simple : l’appui financier des pays les plus riches est nécessaire pour aider à trouver des solutions favorables à la biodiversité dans les pays qui n’ont pas les moyens de le faire.
Il est important d’avoir des ressources financières en place, car de toute évidence, le statu quo mènera à notre déclin.
Il sera impossible de renverser la perte de la biodiversité et d’éviter l’effondrement des écosystèmes, à moins que les forces qui leur nuisent ne perdent de leur puissance financière et que les acteurs qui adoptent des approches favorables à la nature n’aient accès aux ressources dont ils ont besoin.
Il y a des cibles particulières pour éliminer les subventions nuisibles à la biodiversité (cible 18) et renforcer les incitations économiques qui ont des effets positifs pour la nature. De plus, il y a déjà de grandes avancées internationales dans de nouveaux marchés privés qui offrent des solutions axées sur la nature et des mécanismes de financement mixtes novateurs, ce qui peut contribuer à rendre cette cible opérationnelle à grande échelle.
5. De l'encadrement pour divulguer les impacts liés à la nature
L’un des principaux éléments de la réussite de la gestion des changements climatiques est le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC), qui exige que les entreprises dévoilent leurs incidences sur les changements climatiques et qu’elles gèrent leurs risques à ce sujet.
Le Groupe de travail sur l’information financière relative à la nature (GIFN) jouera un rôle similaire. À l’occasion de la COP 15, il y aura aussi de nombreuses discussions sur le rôle du GIFN et les objectifs basés sur la science pour la nature. Ces deux initiatives sont en cours et devraient permettre de formuler des recommandations et d’établir un cadre en 2023 pour que les entreprises et d’autres entités puissent se fixer des cibles basées sur des faits scientifiques. Cela appuiera la régénération de la nature et contribuera à évaluer les répercussions à son égard, à créer des rapports à ce sujet et à les diffuser de manière uniformisée.
D’après les premières indications sur le GIFN, celui-ci devrait suivre la voie du GIFCC et servir d’outil pour que les gouvernements produisent, à l’avenir, des rapports sur la nature, et ce, même si l’orientation de ces initiatives fait encore l’objet de vastes consultations.
Se tourner vers l’avenir
La COP 15 doit encourager les entreprises et les gouvernements à se sensibiliser plus rapidement aux questions de biodiversité et à prendre davantage leurs décisions en gardant la nature à l’esprit. Elle doit également les inciter à établir de nouvelles cibles et à chercher activement d’autres approches, comme des solutions fondées sur la nature, pour remédier aux problèmes environnementaux et aux enjeux sociaux.
Il est impératif que nous reconnaissions tous le rôle que nous avons à jouer et la façon dont nous pouvons changer le cours des choses, c’est-à-dire notre empreinte sur le monde qui nous entoure. Le délai requis pour opérer ce changement est court et l’aide de chacun, y compris du grand public, est nécessaire pour appuyer l’objectif de restauration de la nature à l’échelle mondiale. Ce qui est essentiel, c’est que les entreprises prennent rapidement des mesures fiables pour rebâtir les écosystèmes et restaurer leurs fonctions afin de soutenir la société humaine à l’avenir. WSP peut travailler avec les entreprises pour créer des plans efficaces basés sur des faits scientifiques, qui garantissent la fiabilité des mesures prises.
Autrice: Jenny Merriman, directrice associée, Biodiversité et capital naturel