Exploiter le patrimoine bâti en faveur de l’action climatique

Les bâtiments historiques et classés jouent un rôle essentiel pour notre avenir. Par leur préservation, leur rénovation et leur réutilisation adaptative, nous contribuons à préparer les villes pour l’avenir afin d’en faire des lieux uniques, magnifiques et durables où tout le monde peut s’épanouir.

Une ressource à préserver pour les générations futures

La contribution des bâtiments historiques et classés au développement durable n’est pas évidente à première vue. La plupart des bâtiments patrimoniaux n’ont pas été conçus dans une optique d’efficacité énergétique et carbonique. Martin Sing, qui s’occupe de la durabilité et de l’énergie dans le cadre de la réfection de l’édifice du Centre, le projet de rénovation d’un bâtiment historique le plus important et complexe jamais entrepris au Canada et l’un des plus importants au monde, souligne le fait que la conservation de notre patrimoine mondial et la lutte contre les changements climatiques ne sont pas mutuellement exclusives. « Elles ont le même objectif, soit la préservation de nos ressources pour les générations futures. Les principes de la conservation du patrimoine nous enseignent la valeur de la préservation et de la protection des bâtiments historiques pour les générations futures. La durabilité, particulièrement dans un contexte de changements climatiques, nous enseigne la valeur de préserver et de protéger toutes les ressources pour les générations futures », explique-t-il. 

Les changements climatiques menacent le patrimoine...

Nos structures et bâtiments patrimoniaux sont de plus en plus susceptibles de subir les conséquences des changements climatiques. Notre patrimoine bâti est menacé de différentes manières dans toutes les régions du monde par les dommages causés par les conditions météorologiques changeantes, les températures extrêmes et l’augmentation des tempêtes et des inondations », explique Chessa Stevens, notre responsable du patrimoine bâti national en Nouvelle-Zélande. « Les stratégies de préservation des structures et bâtiments patrimoniaux en réponse aux changements climatiques ne constituent pas toujours des processus à grande échelle, dynamiques ou intensifs. En Nouvelle-Zélande, nous menons souvent des interventions ciblées et offrons une protection particulière aux plus petits sites à l’échelle locale. »

À la suite d’une évaluation technique des procédés côtiers réalisée par WSP, notre équipe responsable du patrimoine bâti en Nouvelle-Zélande a été mandatée par le conseil municipal de Christchurch d’effectuer une évaluation des effets sur le patrimoine et de concevoir une méthodologie de réparation pour la réhabilitation de certaines parties de la digue à Akaroa qui est touchée par de l’érosion et des dommages à la structure. En raison de l’élévation du niveau de la mer et de la fréquence accrue des tempêtes résultant des changements climatiques, la digue sera soumise à une dégradation accrue dans le futur.

Des sections de la digue présentent des signes de construction précédant les années 1900, donc afin de minimiser la perte du tissu historique due à l’érosion et à l’intervention sur la structure, l’équipe responsable du patrimoine a développé la stratégie afin de consolider les parois et les fondations et effectuer des réparations prudentes. L’objectif était de réduire les effets de la réflexion des vagues sur le nu de mur tout en maintenant l’intégrité du tissu historique et en réduisant la vitesse de la détérioration. Ceci contribuerait à minimiser les effets négatifs sur l’importance et les valeurs patrimoniales de la digue historique.

... mais le patrimoine peut aussi faire partie de la solution 

En même temps, les bâtiments historiques peuvent également faire partie de la solution en ce qui concerne la réduction des émissions de carbone. L’industrie mondiale de la construction étant présentement responsable de près de 40 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, les arguments en faveur de la conservation, la remise à neuf et la transformation de bâtiments existant plutôt que de la construction sont très solides. Les bâtiments historiques et classés ont souvent une forte consommation énergétique, donc l’amélioration de la performance opérationnelle peut créer d’importantes occasions d’économie énergétique. Bien que la réduction des coûts opérationnels du carbone dans les bâtiments difficiles à chauffer, à ventiler et à isoler selon les normes des bâtiments modernes puisse être difficile, elle est plus que compensée par les économies de carbone intégrées réalisées en réutilisant le parc immobilier existant plutôt qu’en le démolissant et en le reconstruisant. 

Afin de demeurer viables, historiques et classés, les bâtiments doivent répondre aux exigences modernes en ce qui concerne l’utilisation, le confort, la sécurité et l’efficacité énergétique. Cependant, la réduction de leur consommation énergétique fréquemment élevée peut être difficile en raison des changements très limités permis par les règlements régissant les bâtiments classés ou du manque de solutions en isolation appropriées. Les techniques modernes d’installation et de construction des bâtiments risquent de causer plus de dommages au patrimoine que de réduction du carbone.

Nous travaillons à l’heure actuelle sur un projet visant à améliorer considérablement l’efficacité énergétique de l’hôtel de ville de Copenhague, le siège du conseil municipal depuis 120 ans. Grâce à l’installation d’un nouveau système de chauffage et de ventilation sur l’infrastructure existante du bâtiment, y compris sur les conduits de ventilation en briques, les tuyaux de toit et les corridors de sous-sol, combiné avec un système de gestion d’immeuble de pointe, nous prévoyons des économies d’énergie pouvant atteindre 80 %. Ceci contribuera de manière importante à l’ambition de Copenhague de réduire ses émissions de CO2.

Même si les bâtiments ne peuvent pas tous être adaptés pour répondre aux normes d’efficacité énergétique des bâtiments modernes, d’importantes économies de carbone peuvent être réalisées grâce à des solutions spécialisées, ce qui compensera les économies d’énergie liées à l’introduction de technologies et de matériaux modernes souvent inadaptés et conçus pour durer uniquement 30 ans.

Malene Holmsgaard, qui était auparavant  directrice de marché du Centre for Building Preservation au Danemark, explique ceci : « Nous calculons les économies énergétiques et carboniques des solutions que nous proposons et prenons en considération l’enveloppe de bâtiment. Souvent, il s’avère que même s’il n’est pas possible d’isoler la façade d’un bâtiment en raison des règlements sur les bâtiments classés et d’isoler l’intérieur en raison des risques de condensation et de moisissure, la structure d’origine d’un bâtiment robuste en briques est assez solide dans l’état où elle est. En raison de la quantité d’émissions de carbone émises, l’isolation engendrerait des coûts et l’entretien accéléré dû au gel et au dégel des briques surpasserait les gains du processus d’isolation. »

Les règlements sur les bâtiments classés empêchent souvent le remplacement des fenêtres mal isolées. « La solution qui semblerait la plus idéale serait de remplacer les fenêtres en bois par des cadres en aluminium et d’installer un vitrage thermique. Mais ceci est normalement interdit et dans tous les cas, le vitrage thermique doit être remplacé tous les 30 ans », explique Malene Holmsgaard. En collaboration avec l’Université technique du Danemark, nous avons établi qu’en gardant et en entretenant adéquatement les fenêtres d’origine et en faisant un survitrage, il serait possible d’obtenir le niveau d’isolation requis et d’importantes réductions des émissions de carbone. En même temps, vous économisez sur les coûts totaux et réduisez considérablement la consommation de ressources puisque les fenêtres d’origine ont une durée de vie utile de plus de 100 ans.

Listed building regulations also frequently prevent the replacement of draughty windows. “The seemingly ideal solution would be to replace old wooden windows with aluminium frames and thermal glazing,” Holmsgaard continues. “But that’s normally not allowed and, in any case, thermal glazing needs replacing every thirty years. We have calculated in collaboration with the Technical University of Denmark that by retaining and properly maintaining the original windows, and installing secondary glazing, you get the required level of insulation and significant carbon reductions. At the same time, you achieve savings on the total costs and considerably reduce consumption of resources, since the original windows have a lifetime span of more than 100 years. 

Et il s’avère qu’il y a un autre avantage. La réutilisation des matériaux existants, s’ils sont bien entretenus et préservés avec des produits traditionnels, répond aux principes de l’économie circulaire. Le bois des fenêtres dure non seulement plus longtemps, mais lorsque vient le moment de le remplacer, au lieu de l’« infecter » avec des produits non recyclables comme de la peinture, il faudrait le traiter de la manière traditionnelle avec de l’huile de lin afin de pouvoir le réutiliser et éviter qu’il ne se retrouve dans une décharge.

Lorsque les bâtiments historiques survivent à leur usage d’origine, au lieu de perdre cet élément du patrimoine en les démolissant, modifier leur utilisation serait une solution plus durable. Un projet en cours à Hamilton, en Ontario, implique la préservation et la rénovation d’une église historique intégrée à la façade d’un nouvel immeuble d’habitation en copropriété de haute grandeur. Le caractère patrimonial du bâtiment doit être conservé sans modifier l’apparence ou compromettre sa durabilité à long terme. Cependant, afin de transformer le bâtiment en immeuble résidentiel et améliorer son efficacité énergétique, les développeurs souhaitent ajouter une isolation intérieure à la structure de maçonnerie massive. Isoler le mur extérieur rendra la maçonnerie plus froide. Ceci pourrait augmenter le niveau d’humidité dans les murs, ce qui présenterait un risque accru de détérioration due au gel et au dégel du mortier et de la maçonnerie. Bien que ceci a toujours été un problème en raison du climat froid canadien, les pluies et les températures plus extrêmes ont le potentiel d’accroitre les dommages dus au gel et au dégel.

Malgré tous les défis associés à la réalisation des objectifs de durabilité tout en préservant les bâtiments historiques, leur transformation génère d’importantes occasions à saisir. L’emblématique édifice du Centre, le bâtiment principal du Parlement du Canada à Ottawa, sera un pôle dans l’engagement du Canada envers la carboneutralité d’ici 2050. Le bâtiment centenaire présentait la plus haute consommation énergétique et carbonique du parc immobilier du gouvernement du Canada. Le défi de CENTRUS, le partenariat de conception conclu entre WSP et les architectes HOK, était de réaliser un projet carboneutre tout en préservant le caractère du bâtiment.

« En travaillant tous ensemble dans le cadre d’un processus de conception intégrée, et ce, dès le début du projet, nous avons été en mesure de repérer les défis, les synergies et les occasions qu’il présentait, et d’élaborer des solutions complètes qui tiennent compte à la fois de la durabilité et du caractère patrimonial », explique Martin Sing. Tous les efforts ont été déployés en vue d’atteindre la carboneutralité. Parmi ceux-ci, on retrouve la stratégie de récupération de la chaleur combinée avec les champs géothermiques pour stocker la chaleur excédentaire produite en été pour pouvoir l’utiliser en hiver. L’eau de pluie est recueillie et combinée avec de l’eau grise pour une utilisation autre que pour la consommation. Nous souhaitons aussi réutiliser les aciers de charpentes existants pour la nouvelle structure, ce qui éliminerait la majorité des émissions de carbone intrinsèques générées par le recyclage de l’acier pour créer de nouveaux éléments. « On a tendance à croire qu’il est plus facile et moins coûteux d’acheter de nouveaux matériaux plutôt que de réutiliser les matériaux existants. Bien que ce soit légèrement inexact à court terme, c’est tout à fait inexact à long terme. Les matériaux existants sont une ressource, pas des déchets », ajoute Martin Sing.

Chez WSP, nous sommes extrêmement fiers du travail que nous réalisons sur une grande variété de projets patrimoniaux à l’échelle mondiale. Indépendamment de leur taille et leur envergure, qu’il s’agisse de maisons de pêcheurs, de palais, d’anciennes écoles ou d’anciens grands magasins, d’hôtels patrimoniaux ou de sièges de gouvernement, ils jouent tous un rôle dans le monde que nous créons pour les générations futures. Chaque bâtiment sauvé de la démolition ou rendu plus écoénergétique contribue positivement à l’action climatique. Tout le tissu historique qui est protégé de la menace des changements climatiques et des événements météorologiques extrêmes contribue de manière unique au caractère de nos villes. Chaque bâtiment patrimonial préservé, rénové ou modifié aux fins de réutilisation répond aux Objectifs de développement durable des Nations Unies. La préservation des bâtiments patrimoniaux joue un rôle important dans la création de villes durables, résilientes et inclusives qui sont essentielles au bien-être émotionnel, culturel et économique des communautés. Notre patrimoine bâti est un élément essentiel du renouvellement urbain et doit être respecté et protégé pour le rôle qu’il joue dans la création d’une société prête pour l’avenir.