Nous nous trouvons à un moment charnière de l’évolution de la culture de santé et de sécurité au travail. Si les entreprises manquent leur coup, en ce qui touche aux protocoles de décontamination ou à tout autre élément clé de leur plan de rétablissement, cela risque de nuire de manière irrémédiable à la continuité de leurs activités, à leur culture d’entreprise et à la confiance qu’on accorde à leur capacité de diriger.

À cause de la pandémie, la question de la santé et de la sécurité au travail prend une dimension de plus en plus personnelle pour les travailleurs. Il ne s’agit plus seulement de se protéger soi-même, mais de préserver la santé de toute sa famille et de son cercle social. C’est un changement considérable, et cela signifie que nous sommes tous plus susceptibles de demander à l’entreprise de faire preuve d’une responsabilité accrue et d’effectuer des investissements plus pertinents et plus importants pour assurer la sécurité en milieu de travail. Le temps venu, après la pandémie, je ne peux pas m’imaginer retourner au travail sans avoir la certitude que mon employeur a mis en place toutes les mesures promises.

Les dirigeants d’entreprises vont devoir joindre le geste à la parole s’ils veulent attirer et retenir des employés de qualité. Des investissements dans des interventions non pharmacologiques, dans des protocoles d’intervention, dans des mesures de contrôle sanitaire, dans la recherche des contacts et dans des protocoles de décontamination probants deviendront la nouvelle norme à laquelle s’attendront les travailleurs. Nous assisterons également à une hausse de la demande pour de la formation et pour des programmes de santé et de sécurité au travail valables, provoquée par une meilleure conscience des droits des travailleurs et des mesures de protection appropriées. C’est sans compter la vigilance dont devront faire preuve les entreprises face aux menaces que font planer sur la santé mentale des employés ces nouvelles conditions de travail plus contraignantes et la fluctuation des exigences de leur vie familiale. Un employeur qui néglige de promouvoir la sécurité et le bien-être de son personnel s’expose vraisemblablement au désengagement d’un nombre plus élevé d’employés, qui chercheront un nouvel environnement de travail davantage en accord avec leurs valeurs.

Au même moment surgissent des impératifs clairs sur le plan opérationnel pour élaborer des protocoles précis, ainsi qu’une excellente occasion de redéfinir les valeurs de votre entreprise. Nous ne savons pas ce que nous réservent les 6 à 12 prochains mois, et nous ne pouvons pas occulter le fait que nous aurons peut-être à affronter une deuxième vague de COVID-19 ou une plus grande exposition au virus. Les entreprises auront de graves décisions à prendre, et elles ne pourront en aucun cas le faire à la légère ni de manière unilatérale. Par exemple, si un travailleur ne présentant aucun symptôme déclare « un membre de ma famille a récemment voyagé et a probablement contracté la COVID, donc je vais m’isoler volontairement pendant 14 jours », jusqu’à quel point faut-il décontaminer le lieu de travail de cet employé? Faut-il fermer le bureau de nouveau pendant quelques jours ou semaines pour effectuer une décontamination adéquate? Pour réussir à reprendre les activités tout en renforçant les valeurs de l’entreprise, selon une approche de gestion des risques où « les employés sont la priorité », il est essentiel de consulter les employés et de porter attention aux préoccupations qu’ils expriment, et ce à chaque étape de la présente phase de rétablissement.

Un point sur lequel s’accordent entièrement tous les professionnels de la sécurité : on ne peut pas se contenter de suivre les directives gouvernementales ou d’adopter les procédures mises en place par des concurrents. Chaque entreprise doit plutôt mettre en œuvre une démarche stricte de gestion des risques et élaborer, par exemple, un code de pratiques de décontamination adapté à son organisation, qui traite de contextes et de scénarios d’exposition très précis. Les facteurs de risque associés à chaque lieu de travail, à chaque communauté, et bien entendu, à chaque employé sont différents. Votre bureau se trouve-t-il à proximité d’établissements à haut risque qui sont actuellement des points chauds, comme une maison de retraite ou un hôpital? Combien d’ascenseurs y a-t-il dans votre édifice? Est-il possible de contrôler la circulation de manière efficace lors de l’arrivée et du départ des travailleurs, en maintenant la distanciation physique? Quelle est la position adoptée par votre communauté quant à l’instauration de mesures généralisées de dépistage? Quelles sont les restrictions encore en place à l’égard de vos activités, de vos partenaires et de vos fournisseurs? Tous ces facteurs contribuent à établir le profil de risques exact de chaque organisation. Pour de nombreux employeurs, la capacité à trouver un soutien qualifié interne ou externe pour cerner et gérer ces facteurs de risque critiques jouera un rôle crucial dans la réussite ou l’échec des efforts de rétablissement.

Il y a de cela quatre mois, par exemple, je n’aurais eu aucune difficulté à trouver un entrepreneur capable d’effectuer la décontamination d’espaces de bureaux, probablement à l’intérieur d’un délai de 24 heures. Est-ce encore possible dans notre nouvelle normalité? Cela n’est pas certain. Le relâchement des restrictions et la reprise des activités exigeront d’énormes efforts de surveillance et d’analyse en continu, pour pouvoir nous adapter adéquatement aux demandes de la chaine d’approvisionnement. Les entreprises devront également mettre en place un processus de vérification des compétences et des qualifications des entrepreneurs effectuant la décontamination d’établissements et autres services sur place, et s’assurer qu’ils se sont dotés eux aussi de plans de continuité des activités et de pratiques de travail sécuritaires. Tout cela fait partie de la diligence raisonnable que devront exercer les employeurs avant de pouvoir affirmer avec confiance à leurs employés qu’ils peuvent revenir au travail en toute sécurité.

Adopter ces mesures supplémentaires pourrait faire toute la différence en matière de performance, de continuité, de culture et de confiance des employés. Les entreprises devront en apprendre beaucoup – et vite – au sujet de la gestion des risques et elles ne pourront pas toujours compter sur une expertise interne en ce domaine. Il nous faudra collaborer, échanger des idées et adopter une approche par tâtonnements étroitement supervisée, de façon à nous adapter rapidement au fur et à mesure que nous acquérons de nouvelles connaissances sur notre nouvel environnement de travail. Comment pourrions-nous nous permettre de ne pas le faire?