Le Canada est un des plus gros consommateurs de matières, d’énergie et d’eau au monde. Seulement 6 % des matières entrant dans l’économie proviennent de produits recyclés, alors que près des trois quarts de ce que nous utilisons sont jetés.
Quelles sont les occasions importantes et les richesses potentielles que nous jetons avec nos déchets?
La question nous appelle à repenser le modèle de consommation traditionnel « extraire, fabriquer, jeter », qui consiste à extraire des matières premières, à les transformer en produits brièvement exploités, puis jetés. Cette économie linéaire s’appuie sur un approvisionnement constant de ressources naturelles. Ainsi, l’économie linéaire met non seulement une pression excessive sur l’écosystème et ses services essentiels, mais elle met également en péril l’approvisionnement des matériaux du fait de la fluctuation des prix des matières premières, de la pénurie de produits et de la dépendance géopolitique à l’égard des matériaux. En plus de leur impact environnemental et économique, les déchets alimentent les inégalités sociales, en exposant par exemple les communautés marginalisées à la pollution dans une trop large mesure.
Au Canada, le faible coût de l’enfouissement et le sentiment qu’on dispose de ressources et de l’espace en abondance créent des contre-incitations à se détourner des modes de consommation nuisibles. Il est nécessaire de s’éloigner d’une économie linéaire, tant au Canada qu’à l’échelle mondiale, étant donné la consommation excessive de ressources dépassant ce que la planète peut nous offrir. La vulnérabilité des écosystèmes humains et naturels aux effets du changement climatique ne fait qu’aggraver la situation.
Passage du linéaire au circulaire
La sortie de l’économie linéaire devrait nous amener vers une approche circulaire de la consommation et de l’utilisation des produits, où la mise à la poubelle d’un objet devient le dernier recours après que toutes les autres options ont été évaluées. Il s’agit de l’économie circulaire, telle que décrite par de nombreux gouvernements et entreprises partout dans le monde.
Quant à l’économie circulaire, il s’agit d’un cadre alternatif qui, par nature, vise à restaurer et à régénérer. Son objectif principal est de limiter les déchets en récupérant et en réutilisant les produits et les matériaux aussi longtemps que possible par la réparation, la réutilisation ou le recyclage des objets. Il ne s’agit pas d’une approche ou d’un cadre novateur, mais d’un contraste fort par rapport à l’économie linéaire où la consommation est tout ce qui sépare l’extraction de l’élimination. Malgré la sensibilisation croissante du public aux effets néfastes qui découlent de la surconsommation et de l’économie linéaire, il ne suffit pas d’agir individuellement pour faire progresser la situation.
Le passage vers l’économie circulaire nécessite des changements systématiques et une collaboration à grande échelle, surtout si les engagements de l’Accord de Paris visant à limiter les températures mondiales, à favoriser la résilience climatique et à réduire les gaz à effet de serre doivent être atteints. Cet Accord a été signé par plus de 194 pays en 2015.
Rôle des municipalités
Dans cette transition, les administrations municipales sont des protagonistes clés, car elles sont souvent confrontées aux conséquences négatives de l’économie linéaire. Les municipalités assument le poids des conséquences résultant des dépenses publiques consacrées à la gestion des déchets solides, des coûts encourus par les déchets structurels tels que les bâtiments sous-utilisés, des coûts économiques dus à la congestion ou des coûts sanitaires dus à la pollution atmosphérique et sonore, tout en cherchant à répondre à des défis en parallèle, dont l’investissement dans les infrastructures, le développement économique et la satisfaction des besoins en services.
Toutefois, ce sont aussi les municipalités qui bénéficient d’une transition rapide vers une économie circulaire. Un nombre de celles-ci a déjà défini des visions et des stratégies ambitieuses afin de devenir des collectivités à production minimale ou nulle de déchets. En intégrant les attentes relatives au changement et à la résilience climatiques, sans oublier l’équité, les municipalités dessinent un avenir où la durabilité s’inscrit dans une approche plus circulaire et systémique.
La Ville de Maribor, en Slovénie, a été parmi les premières villes d’Europe à reconnaître le potentiel d’une économie circulaire. En 2018, Maribor a élaboré sa stratégie pour la transition vers l’économie circulaire et a mis sur pied un institut appelé WCYCLE (en anglais seulement) dans le but d’aider les entreprises de services publics de la région à repenser leurs modèles économiques. Les réalisations concrètes de l’institut comprennent, entre autres, une nouvelle installation de tri automatisé des déchets et un projet visant à créer différents types de sols à partir de déchets organiques. En Corée du Sud, Séoul a pris en charge le projet Sharing City Seoul (en anglais seulement) depuis 2012. La politique de Séoul de devenir une ville de partage vise à encourager le secteur privé à montrer la voie dans l’exploration de différents domaines de partage, tandis que la ville s’efforce de créer des infrastructures dans le cadre de ce projet et de promouvoir et soutenir les activités de partage entreprises par le secteur privé. Ces exemples démontrent la manière dont les municipalités tirent parti de la transition vers une économie circulaire afin de dégager des avantages tant pour les communautés que pour les parties prenantes.
Au Canada, les municipalités se rattrapent doucement. Par exemple, le Plan directeur de gestion intégrée des déchets (en anglais seulement) de la région de York permet à la région de s’éloigner du modèle linéaire traditionnel de gestion des déchets vers une approche circulaire plus durable. La vision de ce plan consiste à créer « un monde dans lequel rien n’est gaspillé ». Pour y parvenir, la région a mis en place plusieurs initiatives qui s’harmonisent avec une approche circulaire de la gestion des déchets, notamment le Repair Café, la Lendery et le Durham York Energy Centre (en anglais seulement). La région élabore également une feuille de route sur l’économie circulaire afin de cibler les occasions permettant d’intégrer l’économie circulaire dans ses activités, ses programmes et ses politiques.
La ville de Guelph et le comté de Wellington ouvrent également la voie à l’économie circulaire au Canada. Tirant parti de leur lieu stratégique au cœur du corridor d’innovation de l’Ontario et de l’une des régions agricoles les plus productives de la province, les municipalités ont collaboré pour mettre sur pied Our Food Future (en anglais seulement), un nouvel écosystème alimentaire circulaire et la première communauté alimentaire intelligente du Canada. Ces municipalités ont élaboré une approche globale pour révolutionner la façon dont les aliments sont produits, distribués et consommés, grâce aux 10 millions de dollars gagnés dans le cadre du Défi des villes intelligentes du Canada.
Ces études de cas montrent la manière dont les municipalités cherchent des réponses à des questions essentielles. Les municipalités explorent les obstacles qui doivent être surmontés à l’échelon municipal, la manière dont les entreprises et les résidents peuvent être impliqués, et les avantages clés qui découlent de l’intégration des principes de l’économie circulaire pour tous les acteurs concernés.
La planification de l’économie circulaire permet d’apporter d’énormes avantages économiques, sociaux et environnementaux aux municipalités, aux entreprises et aux résidents de la région. Si les municipalités parviennent à réduire les encombrements, à éliminer les déchets et à faire baisser les coûts, la productivité économique sera plus forte et le développement permettra aux communautés de prospérer. Les municipalités disposent d’une forte capacité de ressources et de talents. Ce sont également des centres d’innovation. Grâce à un cadre de planification de l’utilisation des terres qui englobe la durabilité, les municipalités ont de nombreuses possibilités de mettre en œuvre des politiques qui permettent une transition vers une économie circulaire tout en soutenant les besoins intégrés des communautés face à l’incertitude économique, aux inégalités sociales et au changement climatique.
Le développement de l’économie circulaire constitue l’un des moyens par lesquels nous aidons les communautés à imaginer des lieux agréables et sains. Consultez la page d’accueil Concevoir des milieux inspirants, pour la vie pour en savoir plus.
Nadia Dowhaniuk est planificatrice chez WSP. Pour savoir plus sur la façon dont WSP peut aider votre municipalité à lancer des initiatives en faveur de l’économie circulaire, envoyez un courriel à Nadia.