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La pandémie de COVID-19 est peut-être la plus importante crise de santé publique que nous ayons connue depuis des générations – mais elle est loin d’être la seule. Que l’on pense aux épisodes du SRAS et de la grippe H1N1, ou aux épidémies dues aux virus Zika ou Ebola, les graves éclosions d’infections virales sont omniprésentes et font partie du vaste portrait des risques auxquels est exposé le secteur des soins de santé. Et ces risques sont là pour rester, du moins dans un avenir prévisible. L’expérience nous démontre cependant qu’il est possible de transformer cette lutte contre la maladie pour qu’elle devienne, non plus une crise insurmontable, mais davantage un défi que nous sommes capables de relever grâce à notre résilience.
Du point de vue des bâtiments et des infrastructures, les nouveaux hôpitaux construits au Canada sont aujourd’hui en bien meilleure position pour réagir à des situations de pandémie que les établissements de santé vieillissants. Nous avons appris énormément de l’épidémie du SRAS, en 2003, particulièrement dans les villes les plus populeuses et dans les grands centres de soins de santé. Par exemple, l’une des plus importantes leçons tirées de l’expérience des hôpitaux de Toronto avait trait aux procédures requises pour l’identification rapide des cas, ainsi qu’au besoin de locaux d’isolement. Même si les établissements plus récents ont été construits en tenant compte de ce type de considérations, il faut garder à l’esprit que les hôpitaux plus âgés présentent parfois des problèmes structuraux.
Réagir avec agilité
Tout système de soins de santé confronté à l’arrivée soudaine et massive de patients gravement malades, s’ajoutant aux besoins usuels de la collectivité, subira très certainement des bris de services. À court terme, affronter une telle situation requiert rapidité et agilité. Le besoin le plus immédiat, au sein des espaces du bâtiment lui-même, a trait à deux principales fonctions de soutien :
Une fois ces besoins immédiats comblés, nous pourrons observer de quelle façon les changements que nous avons apportés au cours des dernières années aident réellement le système à répondre à une forte augmentation de la demande de services à vaste échelle. Les hôpitaux les plus récents du Canada sont en effet conçus pour pouvoir fonctionner en tant qu’établissements de protection civile, et pour demeurer entièrement fonctionnels même dans les cas de grandes catastrophes naturelles comme les séismes et les inondations. Toutefois, lorsque la conception tient compte de ces types de sinistres et de l’afflux de patients qui en découle, la planification se fait normalement en fonction d’une situation d’urgence locale. Même les catastrophes majeures, comme les feux de forêt qui ont fait rage récemment en Australie, ou l’ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans, ont généralement une portée restreinte. Dans une crise véritablement mondiale comme celle que nous traversons, nos chaînes d’approvisionnement sont perturbées, les ressources se raréfient et tous les centres de soins de santé font face simultanément à une brusque flambée de la demande. Comment accroître la résilience à l’échelle planétaire?
Une expertise mondiale pour des solutions locales
Au cours de cette pandémie mondiale, nous avons de nombreux défis communs à relever, à très vaste échelle. Heureusement, nous avons également des solutions communes. Les organisations multinationales peuvent, encore plus que les autres, compter aujourd’hui sur leur capacité d’appliquer une expertise mondiale à la conception de solutions locales.
À titre d’exemple, WSP offre ses services-conseils pour aider ses clients à intervenir rapidement et à contrer les effets de la COVID‑19 dans les collectivités de partout dans le monde. Parmi ces interventions, mentionnons notamment la conversion en hôpitaux temporaires d’espaces à vocation non médicale, comme des stades ou des centres de congrès, et la conception de nouveaux établissements de soins de santé, ou d’agrandissements, faisant appel à un mode de construction modulaire.
Nous observons également l’émergence de solutions locales aux problèmes de chaînes d’approvisionnement, alors que des entreprises du marché intérieur réorganisent leur production afin de combler les lacunes. Avec la mondialisation de l’économie, en effet, la source de plusieurs de nos chaînes d’approvisionnement se trouve à l’extérieur du Canada, ce qui permet d’économiser sur le coût des marchandises. Mais comme nous pouvons le constater en ce moment, nous sommes capables de remodeler notre production locale lorsque c’est nécessaire pour rapatrier nos sources d’approvisionnement en biens essentiels comme le désinfectant pour les mains* ou l’équipement de protection individuelle (EPI) pour le personnel médical*.
Au Canada, en ce moment, nous réagissons principalement à la crise – le plus gros de la tâche, pour les ingénieurs-conseils, consiste à aider leurs clients à se poser les bonnes questions pour s’adapter le mieux possible à ces nouvelles défis dans l’immédiat.
Des changements à long terme
Au fur et à mesure que nous avançons dans cette période d’adaptation et de rapide mutation, nous avons aussi l’occasion d’envisager des solutions à plus long terme. On voit d’ailleurs déjà le débat évoluer, passant d’un discours centré sur les hôpitaux à une discussion plus vaste englobant d’autres édifices publics.
Comment concevoir des bâtiments à vocation commerciale pour optimiser la santé de leurs occupants? Comme nous le voyons en ce moment dans le contexte d’une contagion massive, les lieux que nous fréquentons peuvent jouer un grand rôle dans notre santé communautaire. Quels types de protocoles d’entretien* devrions-nous instaurer? Certains matériaux de construction (le cuivre, par exemple*) devraient-ils être utilisés pour les surfaces fréquemment touchées, comme les boutons d’ascenseurs? Des employeurs pourraient-ils faire face à des poursuites, le cas échéant, pour avoir demandé à leur personnel de se présenter dans une zone de transmission potentielle? Et comment réduire au minimum leur responsabilité à cet égard?
Une autre point à aborder à l’avenir tiendra à la nécessité d’investir dans des mesures sanitaires qui semblent à priori contraires à nos pratiques actuelles d’efficacité énergétique. Par exemple, dans de nombreux édifices commerciaux, on cherche à limiter la puissance de ventilation, puisque cela contribue à économiser les coûts en énergie. Toutefois, une bonne filtration de l’air joue un rôle d’extrême importance pour la santé des occupants, particulièrement lorsque des agents pathogènes sont en cause. Nous pourrions donc voir la ventilation devenir une préoccupation centrale, même si cette nouvelle façon de voir s’oppose à notre vision passée des bâtiments à haute efficacité énergétique. Ainsi, la circulation de l’air et l’utilisation de surfaces stériles pourraient s’avérer quelques-unes des nombreuses leçons à transposer des environnements de soins de santé pour les adapter aux milieux commerciaux, mais d’une façon plus rentable.
En ce moment, la plupart des changements majeurs auxquels nous assistons se font rapidement et en réaction à la situation. Mais la pandémie de COVID-19 représentera-t-elle un événement si marquant qu’elle nous motivera à commencer à prendre des mesures de manière préventive? Il y a fort à parier que nous adopterons à long terme certaines des leçons tirées de notre expérience actuelle.
La résilience des communautés
Le dernier facteur pour assurer la résilience d’un système de soins de santé, et le plus critique, est en fait la résilience des personnes elles-mêmes. La réaction de la population en général, particulièrement en ce qui a trait aux mesures comme la distanciation physique et le confinement, témoigne de l’importance du comportement humain dans le contexte des soins de santé. Et lorsque la majorité des pays prennent ces mesures ensemble, il s’agit aussi d’une forme de résilience.
Toutes les infrastructures du monde pourraient se révéler tout à fait inutiles sans le soutien et la coopération de la collectivité. Les personnes constituent les véritables piliers de toute réussite. Il est relativement simple de construire un hôpital ultramoderne – même dans un lieu isolé où sévissent de graves problématiques de santé. Mais parvenir à pourvoir tous les postes de l’établissement avec les talents et l’expertise nécessaires peut s’avérer une entreprise extrêmement difficile.
Comme plus de 80 pour cent* de la population canadienne vit dans les grands centres urbains, certaines villes disposent d’incroyables ressources et comptent des spécialistes de tous les domaines des soins de santé. En contrepartie, ce dont on parle moins, cela entraine des défis pour les communautés rurales ou éloignées. Les personnes qui quittent ces communautés éloignées pour la ville sont souvent les plus brillantes et les plus performantes, les meilleurs médecins et les spécialistes les plus compétents. En présence d’un tel exode, les inégalités se creusent entre les communautés des villes et celles des régions éloignées. Il est important que nous trouvions des solutions mobiles en matière de soins de santé et de personnel pour ces collectivités, si nous voulons améliorer leur résilience en dépit de leur population peu nombreuse.
Il nous faut aussi tenir compte des besoins de soins de santé des populations les plus vulnérables, comme les personnes âgées vivant dans les résidences de soins de longue durée, ou les personnes en situation de logement précaire. Un système public de soins de santé ne sera jamais plus solide que le plus vulnérable de ses patients, et en aucun temps cela n’apparaît de façon plus claire que pendant une pandémie. Pour un système de soins de santé vraiment résilient, il faut porter notre regard au-delà des statistiques pour voir, en toute priorité, les personnes.