Qui paiera pour les mesures de lutte contre les changements climatiques?

Les phénomènes climatiques extrêmes et les coûts qu’ils engendrent incitent les gouvernements, les entreprises et les investisseurs à se préoccuper davantage des risques et des mesures en matière de changements climatiques afin de réduire leurs impacts. Tandis que ces préoccupations deviennent de plus en plus concrètes et urgentes, elles mettent en lumière la nécessité de miser sur la résilience aux changements climatiques et le développement durable. D’innombrables stratégies et plans d’action ont été mis en place pour gérer les changements climatiques à diverses échelles partout dans le monde. Moins omniprésente, mais peut-être plus importante encore, est la question de savoir comment nous paierons pour ces mesures.

Chaque mesure de lutte contre les changements climatiques est coûteuse : il y a des coûts associés aux mesures qui sont prises, mais aussi à celles qui ne le sont pas. D’une manière ou d’une autre, les coûts sont conséquents. Et le fait qu’il n’y ait pas une seule entité clairement définie pour payer la note – souvent salée – de ces mesures complique encore un peu plus la question.

En plus des risques qui sont de plus en plus connus et des incidences directes des réclamations en assurance, de nouveaux types de marchés financiers voient le jour, tels que la finance durable et la finance climatique. Ces marchés tiennent grandement compte des impacts et des coûts des changements climatiques, et ils perçoivent les avantages d’un système financier plus sensible à l’environnement. La finance durable et la finance climatique sont interreliées, même si leurs portées sont différentes.

Finance durable et finance climatique : quelle est la différence?

La finance durable et la finance climatique font référence aux financements locaux, nationaux ou internationaux qui peuvent venir de fonds publics ou privés ou d’autres sources.

• La finance durable permet d’intégrer des facteurs environnementaux et sociaux au marché de façon à promouvoir la stabilité à long terme et la croissance durable.
• La finance climatique (en anglais seulement) vise davantage à appuyer les mesures en matière d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques.

D’un point de vue historique, les pays développés ont émis plus de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère que les pays en voie de développement. Ils ont donc joué un rôle plus important dans les changements climatiques anthropiques (dus à l’Homme). Les pays développés ont aussi une plus grande capacité à financer les mesures liées aux changements climatiques. Pour ces raisons, la finance climatique est structurée de façon à ce que les pays développés contribuent davantage que les pays en voie de développement au financement des mesures de lutte contre les changements climatiques.

Même si sa portée est plus restreinte que celle de la finance durable, la finance climatique repose, en grande partie, sur des perspectives internationales en raison de la nature mondiale des problèmes liés aux changements climatiques. Le principe des « responsabilités communes mais différenciées [et des] capacités respectives » est inhérent à la finance climatique, car les contributions financières des pays développés et des pays en voie de développement aux mesures de lutte contre les changements climatiques peuvent grandement varier, tout comme leurs capacités à prévenir et à gérer les impacts des changements climatiques.

En tant que tels, de grands efforts sont déployés dans le monde entier : les pays développés mobilisent des ressources pour financer des mesures de lutte contre les changements climatiques dans les pays en voie de développement qui sont touchés de façon disproportionnée par les impacts des changements climatiques et qui ont besoin d’aide pour renforcer les mesures d’atténuation des changements climatiques. Au moment de signer l’Accord de Paris 2016, les pays développés se sont engagés à allouer 100 milliards de dollars par année au financement des mesures de lutte contre les changements climatiques jusqu’à 2025.

Le secteur public, y compris les banques multilatérales de développement et les grands organismes, a joué un rôle essentiel jusqu’à présent pour mobiliser des fonds en faveur des mesures de lutte contre les changements climatiques, ce qui correspond à l’objectif 13 des objectifs de développement durable de l’Assemblée générale des Nations Unies.

Dans ces cas de figure, les mesures de lutte contre les changements climatiques sont fortement poussées par les actionnaires qui cherchent une planification transparente en matière de résilience aux changements climatiques. En 2017, des méthodes claires ont été mises en place pour structurer la création de rapports en la matière. Dans le guide normalisé Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) (en anglais seulement), un groupe de travail fournit des conseils aux entreprises sur la façon de signaler les risques financiers liés aux changements climatiques, de mesurer ces risques de façon appropriée et de les gérer.

Selon Paul Munday, bien que le guide TCFD soit seulement l’un des nombreux outils qui permettent d’orienter la rédaction de rapports sur les risques liés aux changements climatiques, il devrait révolutionner la façon dont les économies gèrent les risques liés aux changements climatiques. Ce guide propose aux entreprises un cadre clair pour répondre aux questions des actionnaires sur les risques liés aux changements climatiques et les stratégies d’atténuation des changements climatiques. Afin de satisfaire à la demande croissante de transparence, les entreprises font plus d’efforts pour gérer et divulguer les enjeux liés aux changements climatiques à l’interne et dans leur chaine d’approvisionnement.

Compte tenu des facteurs en jeu, le monde des entreprises ne peut plus laisser les gouvernements et les ONG gérer, à eux seuls, les coûts liés aux mesures d’atténuation des changements climatiques. Les entreprises multiplient donc leurs engagements envers la lutte contre les changements climatiques et les impacts qu’ils ont sur leurs activités. C’est là que les ingénieurs, les modélisateurs, les scientifiques et les experts techniques entrent en scène. Les prêteurs et les entreprises ont besoin de professionnels qui comprennent les enjeux et les occasions techniques liés aux changements climatiques et qui agissent comme des partenaires de confiance pour livrer des projets souvent complexes. En intégrant une perspective éclairée en matière de changements climatiques aux capacités de services-conseils, d’études de faisabilité et de diligence raisonnables des entreprises, ces experts techniques font figure de précurseurs.

L’engagement et l’appui financier du marché vis-à-vis des mesures de lutte contre les changements climatiques sont déjà des réalités. Il s’agit de progrès positifs, mais d’autres étapes doivent être franchies pour soutenir complètement les mesures de lutte contre les changements climatiques. Voici à quoi les deux principales mesures pourraient ressembler :

1. Généraliser la résilience aux changements climatiques dans le système financier en imposant la mise en place de cadres comme le guide TCFD – La réglementation tient les entreprises responsables de leurs actes et elle les encourage à tenir compte de l’importance d’adapter leurs activités aux changements climatiques et d’atténuer les changements climatiques.
2. Intégrer pleinement la résilience aux changements climatiques dans la structure des entreprises – Nous devrions traiter la résilience aux changements climatiques comme nous traitons la santé et la sécurité au sein d’une entreprise. Pour prendre de grandes mesures, les entreprises ont besoin de gouvernance, d’une structure de soutien et de l’adhésion de leur direction.

« Les gouvernements et les entreprises reconnaissent que les changements climatiques ont des impacts, mais il faut prendre ces impacts au sérieux et agir en conséquence », explique Paul Munday. Cela nécessite de prendre des mesures pour partager à la fois les coûts liés aux mesures d’atténuation des changements climatiques et la responsabilité à influer sur les changements à opérer.

Auteurs