Au début 2019, l’Organisation météorologique mondiale a indiqué que les quatre années de 2015 à 2018 avaient été les plus chaudes jamais enregistrées et que les dommages causés par les phénomènes météorologiques extrêmes au Canada avaient coûté 1,9 milliard de dollars en 2018 (en anglais seulement). D’un océan à l’autre, les communautés du Canada ont connu des incendies, des inondations et des tempêtes d’une intensité sans précédent. Les personnes touchées se souviendront longtemps de ces moments où elles se sont barricadées, où elles ont échappé au pire de justesse ou encore où elles ont peut-être tout perdu. Tandis que les phénomènes météorologiques extrêmes s’intensifient et deviennent de plus en plus fréquents, il est impératif de protéger proactivement nos communautés, y compris nos infrastructures et les services qu’elles offrent.
Près de 60 % des infrastructures publiques essentielles du Canada appartiennent à des gouvernements municipaux qui sont chargés de les entretenir. Les municipalités sont donc confrontées aux menaces des changements climatiques qui pèsent sur leurs infrastructures et les services qui y sont associés. La valeur des infrastructures municipales qui est en mauvais, voire très mauvais, état, représente 141 milliards de dollars (12 %) sur 1,1 millier de milliards au total. Étant donné que ces infrastructures en mauvais état sont davantage susceptibles de ne plus remplir leur fonction en raison des phénomènes climatiques extrêmes, on peut raisonnablement estimer que plus de 12 % des infrastructures du Canada sont actuellement vulnérables aux impacts des changements climatiques.
Les besoins en infrastructure doivent être gérés efficacement pour qu’on puisse faire face aux changements climatiques. Pour répondre à l’augmentation des risques et des incertitudes qui accompagnent les changements climatiques, nos conceptions, nos entreprises et nos processus doivent être agiles et adaptables.
Des conceptions adaptatives améliorées
En matière de résilience climatique, notre approche doit être adaptée aux situations que nous vivons. Parfois, nous devrons concevoir des infrastructures plus grandes et plus robustes, et parfois les infrastructures plus grandes et plus robustes s’avèrent trop sophistiquées et ne sont ni viables financièrement ni souhaitables. Les budgets sont déjà serrés dans de nombreuses municipalités et il peut être non rentable et non durable de bâtir des actifs pour résister aux principaux phénomènes climatiques. À la place, on peut utiliser des solutions de conception adaptative, stratégiquement choisies en s’appuyant sur une approche d’analyse risques-coûts.
Voici des exemples de stratégies de conception adaptative :
- les infrastructures qu’on peut adapter en fonction des changements climatiques. Par exemple, des ponts qu’on peut surélever et des édifices qu’on peut aisément modifier;
- les infrastructures qui ont une courte durée de vie quand il y a beaucoup d’incertitude autour des principales menaces, par exemple, les bâtiments qu’on peut stratégiquement démanteler en cas de montée des eaux;
- les approches de conception qui tiennent compte des points faibles qui posent souvent problème en cas d’événement perturbateur et qu’on peut facilement réparer après l’événement;
- les solutions de protection actuelles ou nouvelles qui ne font pas appel à l’ingénierie, par exemple, créer des marais plutôt que de construire des bermes pour protéger le littoral.
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Des entreprises adaptatives
Les conceptions adaptatives ne sont qu’une partie de la préparation des infrastructures aux changements climatiques. Pour comprendre et gérer l’étendue des risques liés aux changements climatiques, les ingénieurs, les gestionnaires d’actifs, les climatologues et les autres professionnels devront adapter leurs structures organisationnelles pour continuer à collaborer. Les municipalités devront s’appuyer sur une expertise unique en tenant compte des points de vue de toutes les parties concernées et intégrer une approche complète à leurs programmes de gestion des actifs municipaux.
Pour être une entreprise adaptative, il faut :
- mettre en place une structure organisationnelle qui accepte les changements continus en matière de conception, d’exploitation, de gestion et de prestation de services;
- définir les risques futurs et déterminer les approches de rechange qui permettent de répondre aux besoins en matière de prestation de services;
- remettre en question le statu quo et accepter d’adopter des approches sensiblement différentes en matière de services, d’infrastructures, de systèmes et de procédures;
- comprendre les risques liés aux services au niveau des actifs et du réseau;
- partager les réussites promouvoir une culture proactive et favoriser l’amélioration continue.
Processus adaptatifs
Les infrastructures sont conçues pour offrir des services. Les approches de gestion actuelles qui sont dites « adaptatives » ont souvent tendance à être simplement réactives. Par exemple, lorsqu’une route est régulièrement emportée par les eaux, on la répare en la dotant d’un plus grand ponceau « pour la prochaine fois ». Les processus réactifs ne constituent pas une structure proactive formelle pour évaluer et gérer les risques. Ils offrent plutôt une réponse après-coup. Au fur et à mesure que le climat change, les gestionnaires d’actifs doivent s’adapter et modifier leur tolérance au risque. Afin de prioriser le travail tout en maintenant un budget viable, ils devront peut-être ajuster les périodes de calcul du rendement sur le capital investi.
Pour repérer les objectifs adéquats liés aux risques, il faut :
- comprendre ce qui peut être atteint et optimiser les investissements à l’échelle régionale. Il faut adopter une vision globale des services interconnectés;
- mettre à niveau les infrastructures les plus essentielles en premier, plutôt que toutes les infrastructures, et il faut donc repérer les infrastructures essentielles qui ont le plus d’incidences sur la fiabilité, l’accessibilité et l’économie;
- établir des objectifs plus ambitieux en matière de risques pour les actifs essentiels; des normes secondaires peuvent être adoptées pour les infrastructures moins essentielles et l’utilisation des infrastructures peut être restreinte, voire évitée, en cas de phénomènes météorologiques extrêmes.
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Gérer les changements dès aujourd’hui
L’appui des institutions publiques qui permet d’instaurer des normes, des programmes de financement et des règlements pour mettre en œuvre la gestion des infrastructures adaptatives finira par porter ses fruits. En même temps, les municipalités et les gestionnaires d’infrastructures peuvent suivre certaines étapes pour appuyer une stratégie réellement adaptative :
Pour mettre en place des stratégies adaptatives aujourd’hui, les gestionnaires peuvent :
- définir des objectifs de gestion des infrastructures adaptatives et les intégrer à des politiques organisationnelles comme les politiques liées à la gestion des actifs et les politiques en matière de changements climatiques;
- redéfinir les processus d’entreprise pour intégrer la gestion des infrastructures adaptatives à chaque partie de l’entreprise et accompagner le personnel dans le cadre du changement organisationnel;
- faire en sorte que l’entreprise sache que certaines solutions ne peuvent pas entièrement résoudre les problèmes, mais qu’elles permettent d’avancer dans la bonne direction;
- revoir les incertitudes entourant la prestation de services en raison des impacts des changements climatiques et déterminer si elles peuvent être gérées en changeant les normes de conception ou en offrant les services d’une autre manière;
- commencer à préparer des mesures complètes d’atténuation des risques et un plan d’intervention en cas de catastrophe, car les risques ne peuvent pas toujours être prévus ou atténués.
Les gens seront touchés par les changements climatiques, ils devront payer pour leurs impacts et s’en souviendront. Au final, il est moins coûteux de prendre des mesures adaptatives dès maintenant que de répondre aux problèmes à venir, et cela permet une meilleure résilience. |
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