Pour décarboner l’environnement bâti, nous devons miser sur la réutilisation du vaste parc mondial de bâtiments existants. Cependant, pour les bâtiments de grande hauteur, la rénovation, la remise à neuf et la réutilisation adaptative peuvent poser des défis importants en matière de génie structural. En partenariat avec l’assemblée technique d’ingénierie du Conseil international des bâtiments élevés et de l’habitat urbain (CTBUH), nous avons réuni des spécialistes de l’industrie lors de la conférence du CTBUH de cette année pour explorer comment nous pourrions améliorer l’élaboration, la conception et la réalisation de projets. Voici les principaux éléments tirés de cette rencontre.
1. Laisser le bâtiment révéler son potentiel afin de maximiser la valeur sociale, culturelle et financière de sa réutilisation
Il est essentiel de recueillir des données probantes sur tous les aspects du bâtiment, dont la structure, la façade, les chemins de charge et les matériaux. Ces données permettront la réutilisation maximale du bâtiment et la réduction des émissions de carbone intrinsèque, tout en assurant la préservation de son identité unique. Elles permettront aussi de déterminer les endroits où des modifications peuvent être apportées afin d’adapter les espaces pour une nouvelle génération d’usagers du bâtiment. Ces deux aspects sont tout aussi importants l’un que l’autre pour augmenter la durée de vie théorique d’un bâtiment et rendre sa réutilisation techniquement et commercialement viable.
Il est important d’explorer le quartier pour comprendre le contexte général dans lequel évolue le bâtiment et les possibilités de cocréation d’espaces publics (p. ex., la construction de routes pour améliorer l’accès au bâtiment). Beaucoup de travail doit être fait en amont d’un projet pour conseiller la clientèle et définir le programme, notamment le degré de transformation requis pour que la rénovation, la remise à neuf ou la réutilisation adaptative soit la plus efficace, durable et prête pour l’avenir possible.
2. Procéder à une évaluation approfondie sur place et faire face aux imprévus
En menant des inspections et des essais à l’avance, il est plus facile de détailler les éléments qui peuvent être conservés et ceux qui doivent être remplacés (p. ex., évaluer l’intégrité des matériaux structurels comme le béton et l’acier, et les systèmes de protection contre les incendies). Nos équipes d’ingénierie évaluent également les effets des différentes utilisations, de la durée de vie théorique et de l’entretien sur le bâtiment, ainsi que ceux des nouvelles utilisations, de l’évolution des normes de construction et de l’ajout d’éléments, comme des agrandissements ou des ascenseurs.
Toutefois, même en ayant accès aux dossiers de la propriété, il est impossible de procéder à tous les essais. Dans les bâtiments existants, plusieurs « inconnus connus » et « inconnus inconnus », comme des variations dans la structure et les matériaux, et d’anciens changements ou agrandissements, sont découverts uniquement une fois les travaux lancés.
En travaillant en étroite collaboration, les équipes de conception et d’ingénierie peuvent valider les observations in situ, vérifier les hypothèses de conception et réagir rapidement si les exigences de conception changent. Durant la construction d’un récent projet de réutilisation réadaptative à Londres, notre équipe a découvert que la façade avant historique faisait partie d’une série de différentes charpentes métalliques. Ensemble, nous avons adapté la disposition de la structure afin que le bâtiment conserve sa façade continue et abrite un nouveau développement commercial.
3. Collaborer en tant que propriétaire, architecte, maître d’œuvre, ingénieur et ingénieure dès les premières étapes
Le processus décisionnel lié à la réutilisation d’un bâtiment existant peut être aussi complexe et multidimensionnel que le bâtiment lui-même. En collaborant dès les premières étapes, les personnes impliquées peuvent mieux comprendre les défis et les moteurs du projet, y compris les occasions d’investir dans une économie à faible émission de carbone, les exigences de planification et les besoins du client ou du locataire. Cette collaboration permet aussi de présenter l’objectif du projet de manière convaincante aux parties prenantes, dont la communauté locale, et d’expliquer comment il contribuera à améliorer le bâtiment, le quartier et la vie des gens.
Sans les équipes en génie des structures et des systèmes mécaniques, électriques et de plomberie, il serait impossible d’évaluer le potentiel d’un bâtiment, de définir le programme et d’optimiser la conception. Par exemple, la rénovation des éléments de mécanique du bâtiment dans le cadre d’un projet de réutilisation commerciale pourrait libérer de l’espace, améliorer l’efficacité énergétique et réduire les émissions de carbone d’exploitation.
4. Accueillir un processus de conception dynamique propulsé par la technologie
Dans un projet de réutilisation de bâtiment, chaque étape et chaque discipline est interconnectée et interdépendante. Par exemple, pour optimiser la conception écoénergétique de l’ingénierie des systèmes mécaniques, électriques et de plomberie, on doit comprendre les besoins des usagers du bâtiment. La technologie favorise de plus en plus ce dynamisme : on l’observe dans les analyses de données qui permettent de comparer scientifiquement divers scénarios de conception (comme les effets du vent, des changements climatiques et du rayonnement solaire) et dans les analyses de modélisation précoces qui évaluent les effets de modifications potentielles (comme l’ajout d’étages à un bâtiment).
Les bâtiments doivent être suffisamment flexibles et résilients pour s’adapter aux besoins des nouveaux usagers et aux changements dans les directives en matière de planification et de réglementation. La technologie aide également les équipes de projet à prolonger la vie des bâtiments existants et à faciliter leur optimisation future, en améliorant les tolérances, en ajoutant des espaces et en créant des dossiers exhaustifs sur le bâtiment, y compris des jumeaux numériques.