Ce sont des délégués de près de 200 pays qui se sont réunis à Montréal en décembre dernier dans le but de convenir du Cadre mondial de la biodiversité qui définit la vision d’un monde en harmonie avec la nature d’ici 2050 et établit 23 cibles conçues pour enrayer et renverser la perte de biodiversité d’ici 2030.
D’un côté de la conférence, des politiciens et des représentants de multiples gouvernements débattaient sur la formulation exacte à adopter pour le cadre. De l’autre, des événements, discussions et débats animaient le Palais des congrès de Montréal. L’événement était peut-être plus sobre que la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques organisée quelques semaines auparavant, mais grâce à la présence de plus de 10 000 délégués, il s’agissait véritablement d’une conversation mondiale sur la manière dont nous devons collaborer pour protéger la nature et, par la même occasion, notre mode de vie au bénéfice des générations futures.
Après tout, c’était la première fois qu’un aussi grand nombre d’entreprises assistaient à la COP sur la biodiversité. Il était très inspirant de voir autant d’entreprises s’engager, et cela montre bien le rôle essentiel que le secteur privé doit jouer pour restaurer la nature. En plus des entreprises, des organismes à but non lucratif, des groupes de jeunes et des groupes autochtones locaux se sont aussi grandement mobilisés. Un problème à la fois mondial et local comme la perte de la biodiversité doit être considéré par autant de parties prenantes diverses pour pouvoir être résolu adéquatement et équitablement. Les échanges furent riches, et la formulation finale des objectifs reflète l’importance pour toutes les parties prenantes de trouver un moyen de concrétiser la vision mondiale d’un monde en harmonie avec la nature d’ici 2050.
Un point est ressorti des discussions : la visibilité et l’ambition des institutions financières. Au fil des semaines, de nombreux exemples de modèles financiers privés et mixtes ont été présentés aux événements connexes, révélant que le virage des flux financiers vers les effets positifs pour la nature (ou l’écologisation du système financier, comme on l’appelle) avait déjà lieu et pouvait être amplifié par une gouvernance adéquate et les cadres de travail qui vont avec. Le fait que cela se reflète dans le Cadre mondial de la biodiversité est un grand accomplissement de la COP et permettra de mobiliser plus d’investissements dans ce secteur, ce qui est un moyen nécessaire de mettre en place les objectifs mondiaux.
Comprendre le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal
Malgré la pléthore d’annonces secondaires, le fait saillant de la conférence fut sans aucun doute l’annonce du Cadre mondial. Il s’agit d’un plan de travail qui présente la suite des choses, et les actions que les gouvernements doivent maintenant traduire en mesures concrètes.
Les objectifs et les cibles du cadre définissent clairement le travail à accomplir, les acteurs qui devront s’impliquer, les changements à apporter et les types d’actions nécessaires.
Certaines cibles sont quantitatives et visent la réformation des subventions néfastes pour la nature (cible 18) ainsi que l’augmentation des ressources financières nécessaires pour soutenir le changement transitionnel et atteindre les objectifs (cible 19). Il y avait deux cibles 30x30 : l’une liée aux zones d’écosystèmes dégradés (cible 2) et l’autre en lien avec la conservation et la gestion efficaces des zones d’écosystèmes d’une grande importance en matière de biodiversité et des services écosystémiques. Dans toutes les cibles, l’accent était mis sur l’inclusion et sur une approche fondée sur les droits.
Les cibles elles-mêmes sont divisées en trois catégories, soit :
- Réduire les menaces pesant sur la biodiversité (cibles 1 à 8)
- Répondre aux besoins des populations par l’utilisation durable et le partage des bénéfices (cibles 9 à 13)
- Outils et solutions pour la mise en œuvre et l’intégration (cibles 14 à 23)
Ces cibles seront maintenant traduites en plans en faveur de la biodiversité sous la forme de stratégies, de politiques et de lois au niveau des pays. Cela explique pourquoi les incidences propres à chaque cible ou au Cadre mondial de la biodiversité dans son ensemble ne sont pas encore bien définies, et il faudra du temps pour que les incidences pour les entreprises deviennent apparentes. Toutefois, notre direction est claire : nous devons instaurer de plus grandes zones protégées pour la nature, renforcer la restauration de la biodiversité, prendre un virage économique en finançant et en subventionnant des activités qui ont des effets positifs sur la nature et en consolidant le contrôle des incidences des entreprises sur la nature.
Une cible pour les entreprises
Pour la première fois, une cible a été spécialement définie pour les entreprises. La cible 15 porte sur la nécessité d’évaluer et de divulguer les risques, les dépendances et les impacts des entreprises sur la biodiversité dans leurs chaînes de valeur. Même si ce n’est pas une exigence légale pour le moment, l’anticipation à la COP15 du lancement du Groupe de travail sur l’information financière relative à la nature (GIFN) était essentielle. Au cours des prochaines années, il est possible que plusieurs pays commandent des rapports sur la nature, très probablement dans le cadre du GIFN, comme on l’a vu avec le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC). Le GIFN est actuellement cofondé par le gouvernement britannique et, à l’occasion de la COP15, l’Allemagne s’est engagée à verser 29 millions d’euros supplémentaires pour sa mise en œuvre.
De nombreux engagements sont déjà en train d’être mis en place. Le président Biden s’est engagé à protéger 30 % des zones d’écosystèmes terrestres, des eaux intérieures, et des zones côtières et marines des États-Unis, et l’Union européenne a créé une Directive sur les rapports de développement durable des entreprises (CSRD) qui exigera la divulgation d’information, similairement aux recommandations du GIFN.
Les trois dernières cibles du document insistent sur l’importance de prendre en compte et d’impliquer toutes les parties dans le travail de protection et de restauration de la biodiversité qui sera entrepris. La cible 21 est centrée sur la nécessité de partager des connaissances au-delà des milieux politiques, tandis que les deux dernières cibles portent sur l’importance de tenir compte des questions de diversité, d’équité et d’inclusion dans les mesures prises. Ces trois cibles mettent l’accent sur un élément essentiel : travailler de manière plus inclusive permettra de créer les meilleures solutions possibles pour la société et la planète. En fait, il est maintenant évident que si nous ne sommes pas capables d’enrayer la perte de la biodiversité et de restaurer la nature, nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs sociaux dans le cadre des objectifs de développement durable, et que si nous n’atteignons pas nos objectifs sociaux, nous ne serons pas en mesure de restaurer la nature.
Les entreprises qui, comme WSP, collaborent avec leurs clients pour mettre en œuvre des stratégies de protection de l’environnement et des solutions fondées sur la nature en faveur de la biodiversité se concentreront sur l’application d’actions en réponse aux besoins décrits dans la cible 14 (intégrer la biodiversité dans les processus de planification et de développement ainsi que les évaluations environnementales) et la cible 15 (« s’assurer que les grandes entreprises et les institutions financières transnationales contrôl[ent], évalu[ent] et divulgu[ent] régulièrement et de manière transparente leurs risques, leurs dépendances et leurs impacts sur la biodiversité […] et prom[euvent] des modes de consommation durables »).
À ce jour, nous avons travaillé aux côtés de gouvernements, de communautés locales et autochtones et d’entreprises pour comprendre comment protéger et restaurer la biodiversité de leurs terres. Pour que le Canada puisse atteindre les objectifs et les cibles du cadre, il sera primordial de poursuivre notre travail auprès de ces trois acteurs, tout en découvrant et en reconnaissant leurs méthodologies et leurs approches.
Au bout du compte, la réussite du Cadre mondial de la biodiversité sera déterminée en fonction de notre capacité à atteindre les 23 cibles fixées pour 2030. Il nous reste beaucoup de travail à faire en seulement 7 années pour nous assurer de répondre aux exigences du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal. Même les gestes les plus minimes compteront. Par exemple, le Business & Biodiversity Forum au Royaume-Uni est une occasion pour les entreprises de s’engager à avoir des effets positifs pour la nature tout en adoptant une approche progressive pour comprendre leur empreinte sur la nature et prendre des mesures leur permettant de contribuer à l’atteinte des objectifs du Cadre mondial de la biodiversité. En travaillant avec tous les partenaires et les acteurs du cadre, nous pouvons réaliser des progrès importants pour la protection de nos écosystèmes naturels et du mode de vie des populations mondiales.
Cliquer ici pour en savoir plus sur le soutien que WSP peut vous offrir pour atteindre vos objectifs en matière de biodiversité.
Auteurs :
Jenny Merriman, directrice technique, Sciences de la Terre et environnement, WSP Royaume-Uni
Jenny Merriman est environnementaliste agréée et spécialiste de la biodiversité, du capital naturel et des services écosystémiques. Elle est responsable de l’offre de services en capital naturel et biodiversité de WSP Royaume-Uni, appuyant les clients pour qu’ils puissent intégrer les valeurs du capital naturel dans leur planification et leur prise de décisions, et ce, afin de réduire les risques pour l’entreprise et de créer de nouvelles occasions tirées des solutions fondées sur la nature. Elle représente WSP lors du forum du Groupe de travail sur les informations financières liées à la nature (GIFN) et siège au comité directeur de la norme Natural Capital Accounting for Organisations de la British Standards Institution.
PAtrick Lafrance, vice-président national, Écologie et Évaluation d’impact environnemental (EIE), Canada
Patrick Lafrance est un biologiste spécialisé dans les milieux aquatiques comptant plus de 22 ans d’expérience dans les consultations environnementales. Il soutient la mise en œuvre de la stratégie de WSP en Sciences de la Terre et environnement au Canada et à l’international et s’implique auprès des clients à la recherche de conseils et de solutions pour développer des projets durables ayant des effets positifs pour la nature.