Favoriser la reprise économique des aéroports grâce aux revenus ne provenant pas du secteur aéronautique

Il est essentiel de créer de nouveaux revenus ne provenant pas du secteur aéronautique pour que les aéroports se rétablissent de la pandémie de COVID-19. Les revenus ne provenant pas du secteur aéronautique sont les revenus aéroportuaires tirés d’autres sources que les sociétés aériennes. Généralement, ils proviennent des concessions pour la vente au détail,¹ des stationnements automobiles et des biens immobiliers, entre autres.

Dans le secteur de l’aviation, le rétablissement mondial pour revenir aux niveaux de 2019 devrait prendre plusieurs années, soit jusqu’à 2023 pour les marchés qui comprennent principalement des liaisons intérieures, surtout pour les voyages de loisirs, et jusqu’à 2024 pour les marchés qui comprennent en grande partie des liaisons internationales.²

Comment générer plus de revenus, tandis que la demande reprend? C’est la grande question à laquelle les sociétés aériennes et les aéroports doivent répondre. Avant la pandémie de COVID-19, les revenus des aéroports mondiaux étaient en hausse, alors que ceux par passager baissaient. La plupart des organismes comme l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et le Conseil international des aéroports (Airports Council International ou ACI), soulignent qu’il est important de créer des sources de revenus non aéronautiques pour stimuler les revenus tirés des activités aéronautiques. ³

Dans l’article suivant, afin de favoriser ce processus aujourd’hui, les conseillers en aviation de WSP cherchent à mettre en place des services novateurs pour améliorer les expériences des passagers et accroitre les revenus qui ne proviennent pas du secteur aéronautique.

Conseillers en aviation de WSP : Marco Mejia, vice-président, Aviation, Canada; John van Woensel, vice-président, gestionnaire national en planification de l’aviation, États-Unis ; Tracy Beach, planificatrice financière principale, Aviation, États-Unis.

Quelles nouvelles occasions de revenus ne provenant pas du secteur aéronautique pouvons-nous saisir dans les aéroports du monde entier, et comment les responsables aéroportuaires peuvent-ils planifier leurs activités en conséquence?  

Marco Mejia : Il existe plusieurs occasions de revenus qui nécessitent une planification stratégique souple et des investissements dans les technologies et les infrastructures pour rendre les aéroports plus attrayants, concurrentiels et prêts pour l’avenir.  Les pistes à explorer sont l’utilisation diversifiée des sites aéroportuaires, les stationnements et les processus de traitement centraux des aéroports ainsi que les nouveaux modèles d’achat pour la nourriture et les boissons. Les responsables aéroportuaires devront se montrer plus agiles pour comprendre la segmentation des passagers afin de fournir des services qui correspondent à ce que souhaitent les différents voyageurs et à ce dont ils ont besoin au fil d’une journée type. 

Dans les grandes villes, les aéroports devront envisager de s’associer avec des entreprises de mobilité aérienne urbaine pour transporter les passagers efficacement vers leurs installations. La mobilité aérienne urbaine permettra de réduire le temps de déplacement vers les aéroports pour les voyageurs et le temps passé à l’aéroport, car le traitement des passagers pourra être fait à l’avance. Point important : les aéroports disposeront d’un autre moyen de générer des revenus. 

John van Woensel : Aux États-Unis, les responsables aéroportuaires repensent les processus habituels en offrant des services dont ils ne s’occupaient pas auparavant et pour lesquels ils ne facturaient jusqu’à présent que peu de frais, voire aucuns. Ainsi, les aéroports peuvent non seulement accroitre leur niveau de contrôle et de participation aux activités d’exploitation, mais aussi conserver plus de revenus connexes. 

Ces services incluent les systèmes de traitement des bagages qui sont généralement fournis en consortium par les sociétés aériennes, et les services de manutention au sol et de ravitaillement qui sont habituellement sous-traités par les sociétés aériennes. Parfois, ils sont offerts par des exploitants, moyennant des tarifs fixes. L’exploitation des ponts d’embarquement de passagers est une autre piste à considérer.  

Souvent, en ce qui concerne les occasions de revenus ne provenant pas du secteur aéronautique, on a tendance à ajouter ces revenus à la charge des passagers d’une manière ou d’une autre. Ces types de sources de revenus idéales sont celles qui ne sont pas touchées par le ralentissement des voyages aériens. Récemment, aux États-Unis, on met de plus en plus l’accent sur la résilience des aéroports en diversifiant l’utilisation des sites aéroportuaires.

La dernière réautorisation du programme d’amélioration des aéroports par la Federal Aviation Administration permet aux aéroports de saisir plus facilement et rapidement des occasions d’utiliser des parcelles de terrain à d’autres fins que les voyages aériens.  Entre autres exemples d’activités potentiellement lucratives, on pourrait penser à l’exploitation d’une plaza constituée d’une station-service et d’un dépanneur, qui serait située sur une route traversant un site aéroportuaire. Bon nombre d’aéroports ont des routes qui passent sur leur propriété et qui ne sont que partiellement consacrées aux activités aéroportuaires. Un autre exemple de services non reliés aux passagers est les pensions pour animaux domestiques situées à proximité des aéroports. Les voyageurs et les habitants de la région peuvent y déposer leurs animaux en se rendant à l’aéroport.

Les aéroports des États-Unis sont uniques en leur genre, car ce sont des installations gouvernementales généralement plus indépendantes et entrepreneuriales que les services gouvernementaux typiques locaux ou étatiques. Les responsables aéroportuaires cherchent surtout à offrir des installations adéquates à leurs locataires et aux utilisateurs et, bien entendu, un environnement d’exploitation sûr. En général, aux États-Unis, les aéroports sont gérés par des propriétaires sans but lucratif et des exploitants aéroportuaires plutôt que comme des entreprises de service, alors que dans la plupart des autres pays, ce sont des entreprises privées qui les gèrent en mettant davantage l’accent sur les profits et le rendement pour les actionnaires. 

Comment les aéroports peuvent-ils étendre les services qui leur permettent de générer des revenus tout en améliorant l’expérience des passagers?  

John van Woensel : De manière générale, quand on planifie et conçoit un aéroport, il faut tenir compte des différentes expériences que les clients pourraient vouloir vivre, par exemple pour ce qui est des repas. Il ne s’agit pas forcément d’offrir des repas plus copieux, parfois les gens souhaitent juste trouver rapidement quelque chose en particulier à manger.  Les distributeurs automatiques, par exemple, sont une excellente source de revenus, surtout parce qu’ils occupent peu d’espace et permettent de répondre aux besoins des passagers. Les aéroports devraient donc proposer des choix pratiques aux passagers, que ce soit pour manger assis à une table, commander un plat à emporter ou se faire livrer un repas ou un produit à la porte d’embarquement. Pour que ces changements et ces choix soient possibles, les aéroports doivent être flexibles dans leur planification à long terme. 

Marco Mejia : Afin d’offrir un environnement plus personnalisé aux passagers, il est possible de réaménager bon nombre de zones aéroportuaires en leur donnant une touche spéciale. On peut, par exemple, créer des cuisines centralisées et proposer de la nourriture dans les différentes zones de l’aéroport.  

Tracy Beach : La nouvelle tendance, ce sont les cuisines fantômes. Cela permet d’offrir différents types de repas à un seul même endroit et c’est pratique, car les passagers peuvent utiliser une application pour commander les plats de leur choix. D’un point de vue fonctionnel, ce concept qui nécessite de planifier l’espace permet aux aéroports de mieux s’adapter aux besoins et aux attentes des passagers.  Grâce à ces types d’installations et à la technologie sans contact, les utilisateurs peuvent percevoir l’environnement aéroportuaire comme étant plus sûr et propre, et les concessionnaires de ventes au détail peuvent offrir des services de livraison de repas de type Uber Eats ou DoorDash à la cuisine fantôme de l’aérogare.

Marco Mejia : Le fait de pouvoir rapidement modifier un kiosque est un autre moyen d’adapter les activités. Le même kiosque peut être reconfiguré au fil de la journée pour répondre à différents besoins, en fonction des prochaines destinations de vol. C’est un moyen flexible pour les aéroports de cibler différents groupes de passagers. 

Tracy Beach : Une leçon importante à tirer du ralentissement des activités aéroportuaires est qu’il faut savoir faire preuve de souplesse. En cessant les baux à long terme et en incluant des clauses des cessions de bail, on pourrait changer la manière dont l’espace est utilisé dans l’aérogare ou le site aéroportuaire, ce qui permettrait de maximiser les revenus potentiels pour s’adapter à l’évolution constante des besoins et des préférences des passagers. Entre autres possibilités, on pourrait prévoir des droits de rétractation de contrats qui comprennent des clauses relatives à une garantie annuelle minimum et à un pourcentage des revenus. Durant la pandémie de COVID-19, bon nombre d’aéroports ont suspendu les garanties annuelles minimums pour les concessionnaires de ventes au détail et les exploitants de stationnement qu’elles exigeaient auparavant et ont seulement touché un pourcentage des revenus.  À l’avenir, l’augmentation du taux de revenus standard de 7 à 10 % permettrait d’obtenir plus de revenus.  

Une manière de s’assurer que les concessionnaires de ventes au détail aéroportuaires répondent aux besoins des passagers est de planifier des installations de réception et de distribution intégrées.  Ce type d’installations permet aux concessionnaires de disposer d’un espace d’entreposage à proximité de l’aérogare pour pouvoir distribuer de la nourriture et des marchandises efficacement et rapidement, et cela allège aussi la circulation routière sur le site de l’aéroport. Dans certains cas, les concessionnaires utilisent les routes en forme de boucles des aérogares et d’autres voies très usitées pour apporter la marchandise à l’aérogare et approvisionner les boutiques et les restaurants visités par les utilisateurs et les passagers.

Marco Mejia : Un autre point à considérer est l’automatisation. Tandis que les processus s’automatisent, par exemple, avec l’utilisation croissante d’assistants virtuels pour répondre aux besoins des clients, les services de voiturier peuvent les compléter, si les passagers ont besoin d’aide supplémentaire avec une réservation ou de tout autre type d’assistance. 

Comment les aéroports peuvent-ils gérer les futures incidences de la mobilité en tant que service sur les revenus générés par le stationnement, comme les applications de commande de taxi?

Marco Mejia : À ses débuts, le covoiturage a pris tout le monde de court, et les aéroports ont vu chuter leurs revenus générés par les taxis et le stationnement. Or, maintenant que ces services sont bien établis, la plupart des aéroports exigent maintenant des frais pour les transactions liées au covoiturage, ce qui compense la perte de revenus des taxis et, tandis que les utilisateurs délaissent de plus en plus le stationnement de l’aéroport au profit du covoiturage, les voyages ont augmenté de manière générale. Entre 2015 et 2019, malgré la baisse des revenus générés par le stationnement, le nombre de voyageurs a considérablement augmenté. Avec la reprise, la plupart des aéroports ont vu grimper le taux d’occupation de leurs stationnements. Les besoins en matière de stationnement sont toujours grands aux États-Unis et au Canada, et bon nombre d’aéroports pensent maintenant utiliser des systèmes de gestion pour optimiser leurs revenus tirés du stationnement.

Le covoiturage a mis plus de pression sur les aéroports, car le stationnement demeure la plus grande source de revenus ne provenant pas du secteur aéronautique d’un aéroport. C’est pour cette raison que les aéroports doivent le protéger en offrant aux voyageurs des forfaits de services à l’intérieur de l’aéroport. Une formule « stationnement et repas », par exemple. Les aéroports encourageront ainsi les utilisateurs à profiter des deux services à un prix plus abordable, ce qui offrira une meilleure expérience aux passagers et plus de revenus à l’aéroport en maximisant l’utilisation des installations.

John van Woensel : L’émergence de systèmes de gestion de stationnement perfectionnés permet aux aéroports de gérer les différentes préférences de stationnement des utilisateurs et de comprendre comment appliquer différents prix pour optimiser les revenus tirés du stationnement tout en augmentant les options et le niveau des services offerts aux passagers.

Marco Mejia : Avec l’adoption croissante des véhicules électriques, les aéroports doivent examiner comment intégrer suffisamment de bornes de recharge pour véhicules électriques dans le cadre d’une stratégie d’électrification plus vaste, ce qui implique d’évaluer la capacité de l’aéroport à gérer ce type d’équipement.

La présence du covoiturage a exercé une pression supplémentaire sur les aéroports, car le stationnement reste la plus importante source de revenus non aéronautiques pour un aéroport. C’est pourquoi les aéroports doivent la protéger, en incitant le voyageur à rechercher une combinaison de services à l’intérieur de l’aéroport, comme « se stationner et manger ». De cette manière, les aéroports encourageront les passagers à profiter des deux services à un prix plus abordable, ce qui générera à la fois une meilleure expérience pour les passagers et davantage de revenus pour l’aéroport en maximisant l’utilisation des installations.

En quoi les données et l’analytique prédictive peuvent-elles aider les responsables aéroportuaires à augmenter leurs sources de revenus ne provenant pas du secteur aéronautique? 

John van Woensel : Il est plus que jamais possible pour les responsables aéroportuaires de recueillir davantage de données auprès des passagers à un faible coût. Plusieurs technologies sont disponibles, comme des caméras intelligentes au traçage anonyme Bluetooth. Des processus plus efficaces comme l’enregistrement des bagages peuvent réduire les besoins en matière d’espace. Alors que différentes technologies sont de plus en plus couramment utilisées depuis les années 1980 dans les aérogares des États-Unis, la zone par passager n’a pourtant pas été réduite, contrairement à ce qu’on aurait pu croire. En fait, les aérogares ont même été agrandies, certainement en raison de l’augmentation de l’espace dédié aux concessions. Pour ce qui est des infrastructures, les nouvelles technologies permettent encore de réduire l’espace dédié à certains processus d’aérogare, ce qui donne aux responsables de l’exploitation plus de souplesse pour répartir l’utilisation de l’espace de l’aérogare de manière à générer des revenus.

Tracy Beach : À l’avenir, les responsables aéroportuaires devront mieux comprendre les choix et les tendances liés aux dépenses des passagers pour cibler les meilleurs rendements du capital investi et maximiser les revenus ne provenant pas du secteur aéronautique. Les applications servant à précommander des repas à livrer à la porte d’embarquement et à présélectionner des places de stationnement permettent de recueillir ces données auprès des passagers et des utilisateurs.  En ajoutant à l’application une question simple sur les voyages d’affaires ou de loisirs, il est possible de mieux comprendre le comportement de ces deux segments de marché et les options qui conviennent à chacun d’eux. Les données permettent également de faire des achats répétés, ce qui améliore l’expérience des clients et crée plus d’occasions de générer des revenus pour les aéroports.

^{1 Les concessions pour la vente au détail comprennent les commerces de nourriture, de boissons, de journaux et de cadeaux.}

^{2 Airports Council International (ACI), Advisory Bulletin, 25 mars 2021 (en anglais seulement)}

^{3 ACI, 22 avril 2020; OACI, Economic Development, Guidance on Economic and Financial Measures, p. 7 (en anglais seulement)}